L’inflation façonne les élections en cours. Et qu’attendent les électeurs de leur futur gouvernement : des mesures de prévention pour contenir l’inflation ou des mesures de soulagement face à ses effets néfastes ? Sans doute une combinaison des deux.

Alors que la campagne électorale s’achève, force est de constater que les plateformes des partis politiques concentrent leurs actions et leurs ressources sur des mesures de soulagement – baisses d’impôts, remises de chèques, gels de tarifs, congés de taxes – et négligent leur mission de prévention.

Le pic de l’inflation

S’il était démontré que le pire de la crise inflationniste est derrière nous, nous pourrions peut-être mieux comprendre pourquoi ceux qui aspirent au pouvoir ne s’attardent pas davantage à la prévention. Mais l’inflation est difficilement prévisible et bien peu de gens en ont l’expérience pratique puisque la dernière crise inflationniste remonte à 40 ans.

Pour y voir clair, j’ai demandé aux économistes Larry Summers, Vito Tanzi et Arthur Laffer leurs projections à cet égard.

Ancien président d’Harvard et 71e secrétaire au Trésor des États-Unis, Summers a prédit la crise inflationniste et à ma question de savoir si nous avons atteint le pic de l’inflation, il a répondu : « Nous l’avons probablement atteint aux États-Unis et cette inflation restera longtemps avec nous. »

Ancien chef du département des affaires fiscales du Fonds monétaire international et instigateur de l’Effet Tanzi qui porte sur la gestion des finances publiques en temps d’hyperinflation, Tanzi a répondu quant à lui : « C’est difficile à dire. J’ai l’impression que nous n’en sommes peut-être pas encore là. » Conseiller économique des présidents Reagan et Trump et instigateur de la courbe de Laffer qui soutient l’idée que trop d’impôt tue l’impôt, Laffer a expliqué qu’il craint que nous puissions atteindre un taux d’inflation à deux chiffres si nos gouvernements ne favorisent pas des politiques favorables à la croissance. Ici, notre ministre des Finances sortant, Éric Girard, a affirmé : « L’inflation a atteint son sommet, on le souhaite, en juin. »

Ayant moi-même déclaré en décembre 2020 au journaliste Simon Cordeau que ce qui m’inquiétait, c’était l’inflation et qu’on n’en parlait pas suffisamment, je constate en regardant ces opinions variées et incertaines qu’en réalité, personne ne peut confirmer si le pic de l’inflation est devant ou derrière nous. En conséquence, nos gouvernements, à tous les niveaux, doivent agir avec extrême prudence et prendre leur mission de prévention très au sérieux.

Ne pas se soumettre face à l’inflation

Oui, la crise est mondiale et oui, la hausse de l’inflation est attribuable à un certain nombre de facteurs qui échappent à notre contrôle, mais le Québec ne doit pas se soumettre face à l’inflation. La politique monétaire des banques centrales aide à atténuer la demande, mais l’inflation actuelle est également un problème d’offre, et le travail nécessaire pour augmenter l’offre revient aux politiques fiscales intérieures. J’irais même jusqu’à dire que les administrations qui sortiront le moins affaiblies de cette crise risquent d’être celles qui prendront rapidement le taureau par les cornes en se munissant de mesures de prévention pour contenir la bête autant que possible.

Il faut plancher rapidement sur l’élaboration d’une politique fiscale axée sur un plan d’investissement stratégique dans nos biens et services, et profitons de cette situation pour accentuer notre virage vert.

En terminant, je ne peux m’empêcher d’évoquer les fameuses réductions d’impôt proposées par la Coalition avenir Québec, le Parti libéral du Québec et le Parti conservateur. Même comme mesures de soulagement, l’efficacité de telles diminutions laisse à désirer parce que, par nature, cela ne bénéficie qu’à ceux qui paient de l’impôt et ne soulage donc pas le tiers de la population souvent le plus vulnérable et affecté par l’inflation.

Également, il ne faut pas négliger le risque réel que des réductions d’impôt génèrent plus d’inflation. En fait, je ne pense pas que ce soit le moment de baisser les impôts alors que la dette du Québec en rapport avec son PIB est la troisième en importance parmi les provinces canadiennes et qu’elle risque de devenir plus coûteuse à rembourser, en raison des augmentations du taux d’intérêt. Pour reprendre l’expression populaire pendant la campagne électorale, bien sûr que plusieurs Québécois ont besoin d’air aujourd’hui et doivent être soulagés de l’inflation. Mais cet air qu’on leur offre ne doit pas les mettre à risque de mourir étouffés dans quelque temps.

L’un des principaux défis de gouvernance, en temps d’inflation, est d’atteindre le difficile équilibre entre soulager et prévenir, et ce, grâce à des mesures parfois contradictoires. À cette fin, au-delà du calendrier électoral à court terme, on ne peut que souhaiter une collaboration durable des élus.

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