J’estime que les populations obéissent à des schèmes et stimuli psychologiques analogues à ceux des individus. Dans cette veine, je crois qu’il existe un inconscient collectif, c’est-à-dire un imaginaire commun à un ensemble de personnes dans une société donnée, à une époque donnée.

Examinons six facteurs qui, selon moi, relèvent de l’inconscient collectif et qui pourraient influer sur le vote de lundi prochain. Ce sont des sujets qui, sans préoccuper chaque individu consciemment au quotidien, participent néanmoins à notre définition en tant que groupe social et nation.

1. Les mutations démographiques

Le vieillissement de la population québécoise semble inéluctable. Il a des conséquences sur la volonté et la capacité du peuple d’entreprendre de grandes luttes nationales et de se mobiliser sur les enjeux identitaires, et il aggrave le phénomène de la pénurie de la main-d’œuvre.

Pas surprenant alors que l’immigration soit revenue au premier plan de l’actualité. Combien de nouveaux arrivants le Québec devrait-il accueillir, mais surtout comment pourrait-on assurer la francisation de ces derniers ? À quel type de société souhaite-t-on qu’ils s’intègrent au juste ? Cela appelle évidemment toute la question de savoir quelles doivent être les conditions du vivre-ensemble au Québec, c’est-à-dire les fondements de la cohabitation des gens de diverses origines sur le sol québécois.

2. La consolidation ou, au contraire, la redéfinition du rôle de l’État

Dans notre société, l’État joue un rôle à la fois manifeste et obscur. C’est paradoxal. Depuis la Révolution tranquille, nous accordons collectivement à l’État québécois un rôle extrêmement important, voire prépondérant, et ce, dans un nombre varié de matières. Que ce soit en santé et services sociaux, en éducation, en développement économique, en environnement ou en aménagement du territoire, nous, Québécois, comptons fortement sur l’État pour déterminer et servir le bien commun. Sommes-nous allés trop loin ? Avons-nous, au passage, sacrifié quelques libertés individuelles ou, à tout le moins, freiné l’entrepreneuriat et l’initiative personnels ? Cette question, la présence du Parti conservateur du Québec la pose avec pertinence, bien qu’il ne parvienne pas à lui donner une réponse qui soit vraiment étoffée.

3. Le déclin du français et la baisse du poids démographique du Québec à l’intérieur du Canada

La baisse graduelle du poids démographique du Québec à l’intérieur du Canada reste un sujet peu discuté au quotidien, mais elle compose cet inconscient collectif dont je parlais précédemment. Elle touche non seulement le poids politique du Québec, mais aussi sa capacité d’affirmation identitaire. De fait, face à l’anglicisation rapide de la planète et à l’américanisation des diverses sociétés, l’étau se resserre sur le Québec et sa langue officielle et commune. Le Québec ne saurait, miraculeusement, échapper aux grandes tendances linguistiques internationales. À cet égard, les lois 101 et 96 n’offrent à la langue française qu’une protection bien relative. Toujours est-il que la question identitaire, au Québec, est susceptible d’influer sur le comportement des électeurs en cette fin de campagne.

4. Les relations avec les instances fédérales et le reste du Canada

Les relations entre le gouvernement du Québec et celui du Canada sont, en apparence du moins, excessivement tendues en ce moment. Lors de la dernière élection fédérale, le premier ministre Legault a invité, en vain, les citoyens à voter conservateur. Il faut dire, à la décharge de M. Legault, que le gouvernement Trudeau montre des tendances inquiétantes à l’interventionnisme dans les champs de compétence provinciaux.

De plus, les relations entre le Québec et ce qu’il est convenu d’appeler le « Rest of Canada » (ROC) sont de plus en plus marquées par le dénigrement du Québec (Quebec Bashing), l’incompréhension de sa spécificité et des besoins particuliers qui en découlent, de même que l’intolérance face à ses choix collectifs (comme c’est le cas pour la laïcité).

Les Québécois, dans l’ensemble, ressentent, inconsciemment peut-être, le besoin d’envoyer un message aux autorités fédérales et au ROC, voulant que leur particularisme national soit respecté dans l’ensemble canadien.

5. La gestion de l’économie

Gérer l’économie, surtout en temps de pandémie, requiert un sens aigu des responsabilités et de la mesure. Mais gérer l’économie nécessite également de la vision. Or, les baisses d’impôt promises par plusieurs partis politiques témoignent précisément d’un manque de vision. Certes alléchantes pour l’électorat, elles constituent cependant un risque sur le long terme, car nul ne sait s’il y aura ou non une récession et jusqu’où ira l’inflation ! Enfin, le vieillissement de la population risque d’accélérer l’essoufflement de l’économie.

L’électeur avisé sera donc celui qui saura déceler, au-delà des promesses de baisses d’impôts et de taxes tous azimuts, la rigueur des différents partis sur le plan économique, leur prudence et la fiabilité de leurs engagements.

6. L’environnement

En matière d’environnement, l’utopie n’est pas une solution viable. Il existe vraisemblablement un point d’équilibre à trouver entre l’économie et l’écologie. Cependant, il est nécessaire et urgent d’agir. L’environnement s’impose de plus en plus comme un enjeu névralgique, participant à la sécurité nationale. Les électeurs et électrices le savent et le sentent et en font une considération centrale, bien que parfois inconsciente, de leur comportement électoral.

La psyché du peuple québécois, comme celle d’un individu, relève de manifestations aux origines et aux fondements divers. Elle envoie des signaux qui semblent contradictoires a priori, mais qui s’expliquent néanmoins dans une perspective globale. Selon moi, la psyché propre à la population québécoise fera en sorte que l’électeur réagira, le 3 octobre prochain, en fonction des six facteurs dont j’ai parlé ci-dessus.

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