« Mettre sa face sur une pancarte » est une expression souvent utilisée pour désigner le fait d’être candidat.e lors d’élections. Elle est aussi parfois utilisée péjorativement pour tenter de boucher un coin à son opposant.e lors d’un échange houleux : « Si tu n’es pas content, tu as juste à mettre ta face sur une pancarte. »

Malgré le cynisme ambiant, les gens sont en général très intéressés par la politique. Rares sont ceux et celles qui n’ont pas d’opinion sur l’éducation, le système de santé, l’état des routes, le transport en commun…

Ce qui tient les gens loin des urnes, ce n’est pas la politique, mais les politicien.ne.s. Ou plutôt, la réputation qui vient avec le statut de politicien.ne.

Au fil des scandales et des décisions électoralistes, « faire de la politique » a énormément perdu ses lettres de noblesse. Aujourd’hui, les élu.e.s sont « tous les mêmes », des « crosseurs », « menteurs », « profiteurs » et j’en passe.

Et je ne parle même pas du harcèlement virtuel – de plus en plus violent, particulièrement envers les femmes – que subissent les politicien.ne.s.

Alors pourquoi il y a encore des hommes et des femmes qui mettent leur face sur une pancarte ?

Que ce soit parce qu’on est en colère contre le gouvernement, parce qu’on pense qu’on est fait pour ça, parce qu’on a un projet de société pour le Québec ou simplement parce qu’on se cherche un emploi, toutes les raisons sont bonnes. À mes yeux, il n’y a pas de mauvaise réponse, vous savez pourquoi ?

Parce que ce processus d’embauche – la campagne électorale – est difficile. Très difficile.

Personne ne s’engage là-dedans à la légère.

D’abord, on devient une personnalité publique, instantanément. Parfois à très petite échelle, parfois à très grande échelle. Toute notre vie, passée et présente, devient publique. Nos réseaux sociaux sont scrutés. Chaque geste, chaque déclaration, chaque personne qu’on a pu blesser ou choquer, devient une attaque potentielle.

Si ce n’était que cela, on pourrait sûrement s’en accommoder. Après tout, personne n’est parfait et on ne peut pas plaire à tout le monde.

Mais faire une vraie campagne électorale, ce n’est pas seulement prendre la pose pour faire une belle photo pour les pancartes. L’objectif ultime, c’est de donner envie aux gens de se rendre dans leur bureau de vote le jour J et de poser leur petit X à côté de notre nom. Comment atteindre cet objectif ? En allant à la rencontre des électeurs et électrices. Comment aller à leur rencontre ? C’est là que ça se corse !

Faire une campagne électorale demande énormément de ressources : en argent, mais également en « huile de bras », donc en bénévolat.

Ça prend un organisateur.trice en chef (qu’on appelle le ou la DOC), un.e responsable de l’agenda, un.e responsable de l’affichage, un.e responsable du financement, un.e. responsable du pointage, un.e responsable de la sortie de vote, un.e responsable des bénévoles… La liste peut être très longue.

J’ai écrit plus haut que beaucoup de gens avaient des opinions politiques, mais rares sont ceux qui ont envie de mettre réellement du temps pour aller au bout de leurs convictions.

La pénurie de main-d’œuvre existe également en politique ! Et lorsqu’on n’arrive pas à pourvoir tous ces postes, on se résigne parfois à le faire nous-même.

Également, aller à la rencontre des gens pour un.e candidat.e, ça veut dire cogner à des centaines de portes, serrer des milliers de mains, parler pendant un nombre incalculable de minutes avec des personnes qui ne partagent pas nécessairement notre opinion…

Tout cela requiert énormément de temps et d’énergie, dans une vie qui était déjà souvent bien remplie.

Cela peut aussi vouloir dire prendre un congé (parfois sans solde) de notre emploi, avec les complications financières que cela implique (beaucoup de candidat.e.s s’endettent pour pouvoir faire campagne), passer beaucoup moins de temps avec notre famille (imaginez à quel point cela peut être compliqué pour un parent seul d’être candidat), sacrifier des heures de sommeil…

Et pour tous les candidat.e.s, sauf un.e, tout cela aura été fait pour rien, car il n’y aura qu’un.e seul.e heureux.se élu.e (littéralement).

Mais est-ce vraiment pour rien ? Je ne le crois pas. Pour avoir une démocratie saine, il est primordial que les électeurs et électrices aient des options pour exprimer leur opinion. Sans candidat.e pour représenter les différents courants de pensées, il n’y aurait pas d’option.

Savez-vous ce qui est le plus décourageant pour un.e candidat.e qui n’a pas remporté ses élections ?

Un faible taux de participation.

On se dit : « J’ai fait tout cela pendant des semaines, et les gens ne se sont même pas donné la peine d’aller voter ! »

Les politicien.ne.s ne sont pas les seul.e.s responsables de la bonne santé de notre démocratie. Les électeurs et électrices ont le devoir de se rendre aux urnes.

Si ce n’est pas déjà fait, le 3 octobre, allez démontrer votre respect envers ceux et celles qui osent être candidat.e.s, et allez voter.

Et si vous n’êtes pas content.e, la prochaine fois, vous n’aurez qu’à mettre votre face sur une pancarte !

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