J’écris ces lignes sur fond d’ouragan. Les Îles-de-la-Madeleine, où j’ai famille et amis, ont été durement touchées. Heureusement, on ne compte ni blessés ni morts. Mais les dommages sont là : érosion dramatique des berges, chalets engloutis dans l’océan, commerces et maisons abîmés.

Les Québécois adorent ces îles magnifiques qu’ils visitent l’été. J’y vais presque chaque saison. J’y ai vécu des journées de brume intense, de vents qui nous font perdre l’équilibre, de marées énormes. Mais un ouragan, c’est autre chose. En 2019, Dorian était venu charcuter des falaises qu’on aurait pu croire invincibles. Et là, on n’a pas fini de faire le compte des dégâts laissés par Fiona. Chaque fois, mon cœur se serre : qu’arrivera-t-il aux Îles, mais surtout aux gens des Îles ?

Qu’arrivera-t-il de nous tous, de nous toutes, si nous ne prenons pas la mesure des défis posés par des changements climatiques que nos gouvernements refusent de combattre avec résolution et vigueur ? N’en avons-nous pas assez des inondations, des sécheresses occasionnelles au Québec, des avertissements de tornades ? Sans compter la détérioration de nos lacs et rivières, le dézonage agricole en faveur des développeurs immobiliers, la pollution de l’air causée par des minières sans scrupule. Qu’attendons-nous pour exiger des réponses à nos questions ? Nous aimons nos enfants, nos petits-enfants et c’est de leur avenir qu’il s’agit !

Pendant que nous réfléchissons à tout cela, une campagne électorale prendra fin bientôt. Le 3 octobre, un « nouveau » gouvernement sera élu au Québec. Quoique si la tendance se maintient… pas si nouveau que ça !

Malgré la nonchalance de François Legault face aux changements climatiques et à leurs conséquences sur le territoire québécois, tout porte à croire qu’il sera élu le 3 octobre.

Pourquoi ? Je soulève une hypothèse : beaucoup de Québécois lui sont reconnaissants d’avoir piloté le navire hasardeux d’une pandémie très longue, très dure, qui a demandé des sacrifices aux jeunes et moins jeunes. J’ose poser la question : sans la pandémie, M. Legault serait-il aussi populaire ?

Il y a un gros problème, cependant, et plusieurs commencent à le dire tout haut : un gouvernement pourra être élu le 3 octobre avec moins de 40 % des voix et une quantité énorme de sièges à l’Assemblée nationale. Disons 85 ou 90 sièges sur 125. Une proportion de députés qui ne reflètera pas du tout le pourcentage de votes réellement obtenus. Le Mouvement démocratie nouvelle et un nombre grandissant de citoyens l’ont dit 100 fois : cette situation n’est pas normale ! Le nombre de députés au Salon bleu devrait refléter le pourcentage des votes obtenus par chacun des partis. Il y a une bonne manière de régler cela : changer notre mode de scrutin pour y introduire plus de proportionnalité. Diverses manières peuvent permettre d’y arriver. Ici, au Québec, un mode hybride est proposé. On continuerait de voter pour des députés de circonscription. Il y aurait évidemment moins de circonscriptions et on ajouterait des députés régionaux, élus à partis d’une liste proposée par chacun des partis politiques.

Ainsi, une électrice, un électeur, pourrait reconduire un député sortant, mais voter aussi pour un candidat ou une candidate d’un autre parti, comme député régional. À la fin, tout cela s’équilibrerait.

Dans les pays où ce genre de mode de scrutin existe, on se retrouve avec des gouvernements de coalition. Sont-ils stables ? Oui. Pas plus, pas moins qu’avec notre mode de scrutin qui produit de plus en plus de gouvernements minoritaires. Le Parti québécois en 2012, Justin Trudeau, en 2021. Est-ce qu’on s’en porte vraiment plus mal ?

M. Legault s’était engagé en 2018 à modifier le mode de scrutin. Il a même déposé un projet de loi à cet effet et des discussions ont commencé entre parlementaires et société civile. La pandémie a fourni un prétexte en or au premier ministre pour tout arrêter. Il est vrai que dans les premiers mois, les Québécois pensaient à autre chose. Mais à compter de l’automne 2021, le gouvernement Legault a déposé d’autres projets de loi – dont le célèbre 96 sur la langue française –, mais n’a pas cru bon de poursuivre l’étude du projet de loi réformant le mode de scrutin. « Seuls quelques intellectuels s’intéressent à ça », dit-il.

Quel mépris pour les multiples organismes syndicaux, féministes, populaires, écologistes qui appuient une réforme du mode de scrutin pour une démocratie plus juste !

Le 4 octobre prochain, pas mal de Québécoises et de Québécois se réveilleront avec une gueule de bois : un gouvernement tout-puissant sera élu sans elles et sans eux. Comme si une véritable démocratie représentative était une chose sans importance. Comme si c’était normal de voir de multiples voix, des voix plurielles, ne pas être – ou être peu – représentées à l’Assemblée nationale. Comme si on pouvait se contenter d’une majorité d’élus que la crise climatique laisse passablement indifférents.

Si la tendance se maintient, il nous faudra réfléchir ensemble aux moyens de retrouver une démocratie vivante et réellement représentative. Encore une fois se mobiliser. Pour que chaque vote compte !

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