Ce texte n’est pas une prise de position ou une incitation à voter pour qui que ce soit. Ce texte est simplement une froide réflexion sur l’importance de garder le souverainisme bien vivant au Québec.

En effet, même pour un parti fédéraliste bien convaincu, préserver une flamme souverainiste, si petite soit-elle, est un atout comparable à ce que les armes nucléaires sont à Poutine. Si les puissances occidentales refusent de franchir une certaine ligne rouge tracée par Vladimir, c’est uniquement parce que la Russie possède l’arme nucléaire. Sans cette force de dissuasion massive, les pays de l’OTAN auraient sauté plus activement dans la mêlée, car depuis la fin de l’URSS, leurs désirs de domination, d’assimilation et d’intégration de la Russie sont aussi décomplexés que les envies irrépressibles de Poutine de mettre l’Ukraine au pas.

Au Canada aussi, la volonté d’aplanissement des particularités culturelles des francophones est une vieille histoire. Devant cet état de fait, la vitalité du souverainisme a souvent freiné ou retardé ces projets d’assimilation qui n’ont jamais manqué de gaz depuis la Conquête de 1759.

Aujourd’hui, le Parti québécois (PQ), qui est le seul parti résolument souverainiste, agonise. Ça n’a rien à voir avec Paul St-Pierre Plamondon, qui est un des jeunes les plus brillants, convaincants et convaincus de sa génération. Il se trouve simplement qu’un parti politique, c’est un peu comme une voiture. Après avoir longtemps vu neiger, il arrive que les problèmes s’accumulent, la fiabilité diminue, et la confiance des utilisateurs s’étiole. À partir de ce moment, même si on rafistole et fait briller la carrosserie, le bruit du moteur trahira cette apparence de renouveau. Cependant, loin de moi l’idée de prédire le décès du PQ, comme l’ont fait certains chroniqueurs au début de la campagne électorale, avant de lui reconnaître encore des signes vitaux après le débat de TVA. Je dis simplement qu’il y a des signaux préoccupants qui émanent du moteur de la formation politique qui, pendant les 20 dernières années, a changé régulièrement d’orientations et de chef en espérant trouver un sauveur.

Pourtant, le problème du PQ est bien plus dans le char que dans les chauffeurs. Voilà peut-être pourquoi le jadis très souverainiste François Legault rêve de servir une raclée à Pascal Bérubé et d’envoyer sa formation dans une cour à scrap.

Pourtant, François perd à souhaiter les funérailles du PQ, car même pour un gouvernement caquiste majoritaire, la présence d’un souverainisme actif en Chambre est avantageuse. En cause, la véritable arme de dissuasion du Québec, ce n’est pas la clause dérogatoire que François dégaine pour se protéger des forces hostiles à ses projets. La clause est une simple muraille dans laquelle les tribunaux peuvent aussi trouver des craquelures et mettre à mal ses lois nationalistes, si bien ficelées croit-il. La véritable arme de dissuasion du Québec, c’est le fait de garder la carte référendaire vivante. Je vois ici l’image des chasseurs-cueilleurs qui, pour dissuader les grands prédateurs, ne laissent jamais le feu nocturne s’éteindre dans leur campement.

Pour François Legault, négocier avec Ottawa est plus efficace quand un mouvement indépendantiste bien vivant écoute les pourparlers. La peur de donner des munitions à cette force de déstabilisation massive de l’unité canadienne a souvent amené Ottawa à la raison.

Que serait devenu le pays de Poutine si, après la dislocation de l’URSS, il avait accepté une dénucléarisation totale en échange de l’aide occidentale au développement ? La même chose que la nation québécoise dépourvue d’une formation résolument indépendantiste. Sans cette arme stratégique, le Québec deviendra un vieux lion édenté et dégriffé auquel il ne resterait que les forts rugissements pour essayer d’impressionner le gouvernement fédéral. Or, ce dernier a développé une grande expertise dans l’art de ne pas écouter ce qu’elle considère comme les caprices du nationalisme francophone.

Au fond de lui-même, dans son jardin bien secret, François sait que les convictions profondes ne meurent pas. Elles se métamorphosent, se cachent et entrent parfois dans un état de vie ralenti en attendant que les conditions redeviennent favorables à leur floraison. Autrement dit, les lèvres de François Legault ont beau faire croire l’inverse, les idées souverainistes ne le quitteront jamais. On ne peut avoir si profondément milité pour l’indépendance du Québec et devenir du jour au lendemain un fédéraliste avec la feuille d’érable tatouée sur le cœur. L’oiseau aussi transpire, mais c’est son plumage qui cache sa sueur. Ainsi disait mon grand-père. Que se passera-t-il lorsque Legault fera face aux refus du fédéral de lui donner les moyens de ses ambitions nationalistes ? Que fera-t-il si les tribunaux tailladent ses lois 21 et 96 ? Je ne sais pas. Chose certaine, sans aucune peur d’embrasement national à l’horizon, Ottawa serait de plus en plus cavalier avec son nationalisme revendicateur. Mais ça, il le sait très bien.

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