La déception de lancer des bouteilles à la mer, à répétition, sans avoir de retours. Dans ces bouteilles, j’ai l’impression de déposer des pépites d’or, des bribes de l’histoire miraculeuse mais tragique de mon fils, mort le 3 janvier dernier, dans l’amour. Mon premier enfant, mon bébé doré.

Le deuil d’un enfant, d’un tout petit bébé, c’est un sujet qui génère le malaise, qui est confrontant pour tous, même pour nos amis les plus proches, nos parents. Mais c’est un évènement qui survient… depuis des décennies, des siècles…

Le silence qui accompagne une telle épreuve donne froid dans le dos et fait mal, mais il est une réalité de bien des parents endeuillés qui perdent leur enfant.

Les gens se tuent pour « nous laisser tranquilles », ne nous écrivent plus, prennent leurs distances. Le temps avance, et comme parent endeuillé, on compose avec cette réalité que l’on assimile à une forme de bienveillance bien intentionnée, mais maladroite. C’est humain, les maladresses, les angles morts…

Ce qui est moins humain, c’est quand un parent ne peut avoir l’espace pour vivre la perte de son enfant. C’est quand le congé parental est drastiquement retiré, car nous ne sommes plus considérés comme des parents aux yeux de la société.

Un espoir face aux angles morts

J’ai eu la chance de retrouver, après la perte de mon enfant, un environnement au travail où je pouvais parler de mon fils, déconstruire ma radioactivité de deuil autour de moi. C’est ce qu’un parent endeuillé aime, qu’on lui rappelle son enfant. J’ai été chanceuse, privilégiée. J’ai pu corriger d’une certaine façon les angles morts du deuil dans mon milieu à moi.

Par la chance que j’avais, je n’avais pas vu la montagne qui se dressait à l’horizon, celle qui peut écraser, te faire perdre ton chemin par ses réalités dures et sans merci. La montagne, eh bien c’était notre gouvernement et ses politiques stériles. Oui, oui, celui qui est censé prendre soin des plus vulnérables.

Les angles morts du RQAP

Retour aux pépites d’or envoyées à la mer.

Les politiques du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) sont fonctionnelles, mais ne tiennent pas compte des situations d’exception. Elles ne sont pas non plus en concordance avec les avis des experts et les recherches sur le deuil périnatal. On fait quoi avec les prestations du congé parental quand on perd son enfant ? Eh bien… on vous les coupe tout simplement.

Les premières bouteilles à la mer, c’étaient celles envoyées directement aux bureaux du RQAP. La bouteille casse, est retirée de la mer, littéralement.

On vous répond avec froideur et manque d’humanité… « On va étudier votre dossier… vous n’êtes pas admissibles, car vous n’êtes plus parents. »

Les autres bouteilles, ce sont des courriels, des tentatives de joindre des personnalités publiques qui pourraient élever leur voix. Dans ma naïveté, j’ai tenté d’écrire à certaines personnalités publiques, à des candidats des partis en pleine campagne et scandant un message de changement. Pas de réponse. Le silence.

C’est étrange, ce silence résonne avec le même silence entourant la perte de mon enfant, il fait comme écho.

Malheureusement, j’ai bien l’impression que ces bouteilles à la mer se perdent dans les grands océans à l’heure où l’on se parle. Malheureusement pour les océans, je ne suis pas du genre à me décourager.

Comme mère, j’ai été témoin de la force d’un enfant qui veut vivre, une force que je qualifierais de plus grande que nature. Nous, les parents, ceux qui invraisemblablement restent, sommes marqués à jamais. Paradoxalement, à travers le chemin du deuil, il peut émerger une énergie de vivre, de combattre pour faire sens de cette perte. Mon combat actuellement, c’est pour tous ces parents endeuillés qui auront à traverser la même tempête que nous.

La chose la plus précieuse dans notre vie d’être humain, c’est bien l’espoir. L’espoir, ça, ça ne meurt jamais.

Le système doit changer, on doit repenser ces politiques pour les parents endeuillés. C’est urgent.

La réforme de 2020 du ministre du Travail et de la Solidarité sociale qui a ajouté deux semaines est une mesure tampon, arbitraire, ne s’appuyant sur aucune consultation d’experts ou évidence scientifique. Les experts (et n’importe quel être humain) s’entendront tous pour dire que deux semaines pour vivre un deuil, c’est insuffisant.

Ce qui reste comme solution, c’est l’assurance invalidité. C’est la médicalisation du deuil. C’est aller voir son médecin pour obtenir un arrêt de travail… et mettre quel diagnostic ? Deuil ? Trouble d’adaptation ?

Étant sensibilisée par ma profession de médecin, j’ai mal au cœur de voir le deuil d’un enfant être médicalisé si promptement, pour pallier un angle mort du gouvernement.

J’aimerais tellement vous dire que ça va bien…

Lisez la chronique de Rima Elkouri : « Désolé pour votre bébé, mais… »

Pour de l’aide

Consultez le site Les Perséides pour le deuil périnatal Consultez le site Solidarité deuil d’enfant Consultez un document de l’INSPQ sur le deuil périnatal Écoutez la série du CHU Sainte-Justine sur le deuil périnatal « Revenir les bras vides » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion