Rien. Que du vide.

Pas un seul mot, pas une seule allusion, pas une seule pensée au sujet de la maltraitance envers nos enfants. Rien de rien dans les quatre heures qu’auront duré les débats électoraux. Comme si la fillette de Granby n’avait jamais existé, n’était pas morte aux mains d’adultes dont elle dépendait entièrement dans un cafouillage innommable du système qui avait pour mission de la protéger. Comme si le 29 avril 2019 avait été biffé du calendrier et de notre mémoire collective.

Les candidats et les organisateurs et les animateurs de ces soirées démocratiques charnières ont tourné la page. Pas un mot sur le sort réservé à des milliers de familles vulnérables laissées pour compte par des services de prévention exsangues. Pas un mot non plus sur les impacts de cette désastreuse vacuité préventive sur le bien-être, le développement et la sécurité de dizaines de milliers d’enfants québécois dont les signalements sont retenus à la protection de la jeunesse. Aucune référence, si petite aurait-elle pu être, aux recommandations de la Commission spéciale sur le droit des enfants et la protection de la jeunesse (commission Laurent), alors même que cette commission affirmait que la maltraitance envers nos enfants devait être considérée comme un enjeu majeur de santé publique.

Une mémoire collective défaillante

Au lendemain du 29 avril 2019, j’affirmais sur les ondes de Radio-Canada qu’il y aurait « un avant et un après Granby ». François Legault reprenait la formule la journée même. Nous sentions chez lui, comme dans la population, un élan sincère et une indignation aussi grande que triste devant le drame de cette fillette. « Jamais plus Granby », entendions-nous. Le Québec allait sortir de son déni et se donner les moyens qu’il fallait !

Depuis ce temps, le gouvernement a adopté certaines dispositions pour que le droit des enfants à une vie saine et sûre soit mieux protégé – en réformant la loi sur la protection de la jeunesse, en créant le poste de directeur national de la protection de la jeunesse, en rehaussant l’appui financier aux groupes communautaires, notamment. Mais nombre de questions demeurent auxquelles il aurait été impérieux de confronter les candidats.

Le Québec devrait-il reconnaître la maltraitance comme un enjeu prioritaire de santé publique ? En conséquence, devrait-il fixer un objectif national et des objectifs régionaux mesurables de réduction de la maltraitance envers les enfants sur une durée connue ?

Qui parmi les acteurs régionaux et nationaux devrait être tenu responsable de l’atteinte de ces objectifs ? Le budget en prévention et en services de proximité auprès de nos familles vulnérables devrait-il être rehaussé, et si oui, de combien ? Comment les candidats envisagent-ils d’assurer des services de prévention de qualité offerts selon des normes connues et respectées par tous, et ce, partout au Québec ? Comment mieux soutenir les intervenantes travaillant en prévention et celles œuvrant en protection de la jeunesse ? Que doit-on faire pour éviter de sombrer à nouveau dans le déni et de fermer les yeux jusqu’au prochain Granby ?

Manifestement, il y a plus glamour que la détresse de nos enfants dont le développement et la sécurité sont compromis. Le contraste entre le temps des débats réservé à la question du 3e lien et d’un tunnel à 6 ou 4 voies et l’absence totale de temps consacré au bien-être de nos enfants les plus vulnérables est révélateur. Nous sommes des taupes.

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