Le cours Éthique et culture religieuse (ECR) aura eu une durée de vie de 15 ans. Très rapidement dans sa mise en œuvre, il aura eu à essuyer des critiques, notamment parce qu’il mettait sur un piédestal les religions. On se rappellera que le professeur Georges Leroux, l’un des principaux concepteurs du cours, écrivait que le volet culture religieuse demandait un « respect absolu des religions ».

Depuis quelques semaines, le cours qui est appelé à remplacer ECR, Culture et citoyenneté québécoise, est en projet pilote dans différentes écoles. Est-ce que ce nouveau cours prend en considération les critiques adressées à ECR ? Une étude⁠1 que j’ai coréalisée avec le doctorant en droit François Côté pour l’Institut de recherche sur le Québec tente de répondre à cette question.

Beaucoup de groupes féministes, comme le Conseil du statut de la femme, avaient fortement critiqué le traitement privilégié du fait religieux dans le cours ECR, car, pour le dire d’un euphémisme, les religions ne sont pas toujours portées vers l’égalité des sexes.

Cette critique n’était pas seulement formulée par les féministes, les laïcs la reprenaient à leur compte.

Pourquoi les religions devraient-elles être exemptées de la critique alors que ce n’est pas le cas pour les autres conceptions du monde ?

Les laïcs comme les féministes seront donc contents d’apprendre que le nouveau cours met au cœur de son programme l’esprit critique par rapport à toutes les sphères de connaissance. Exit la déférence obligatoire à l’égard des religions.

Dans le même ordre d’idées, la CAQ avait annoncé au mois d’octobre 2021 que le nouveau cours allait donner une place de choix à la laïcité. Simon Jolin-Barrette, le ministre responsable de la Laïcité, expliquait par exemple que le programme permettra de « saisir tout le chemin parcouru pour mener à la laïcité de l’État ».

Est-ce que cet engagement en faveur de la laïcité est honoré dans les thèmes du programme ? On sera déçu d’apprendre que ce n’est pas le cas. La laïcité ne figure pas parmi la liste des concepts obligatoires du cours, elle est timidement présente dans la colonne des « notions et exemples indicatifs ».

C’est donc dire que selon le programme du cours Culture et citoyenneté québécoise, la laïcité est un élément facultatif de la citoyenneté québécoise.

Cela aura comme effet concret que plusieurs élèves ne seront jamais exposés au concept de laïcité dans leur parcours scolaire.

On peut donc fortement critiquer le ministère de l’Éducation d’omettre l’enseignement obligatoire de la laïcité et on peut spécifiquement le reprocher à la CAQ, qui se vante de prendre au sérieux ce concept, notamment avec sa fameuse loi 21.

Un cours d’éducation à la citoyenneté se doit d’enseigner autant le concept de laïcité que sa mise en application concrète avec la loi 21, au même titre qu’on enseigne les autres lois. Dans une société multiconfessionnelle, il apparaît fondamental que ce soit le cas.

Bien sûr, il faut aussi éviter le risque d’endoctrinement, il ne s’agit pas pour les enseignants de vanter les mérites de la loi et d’oublier sa contestation. Le programme réussit d’ailleurs à éviter ces risques en disant explicitement qu’il y a des « enjeux éthiques » dans le thème « Vie collective et espace public », thème où il est possible d’aborder la laïcité.

Il est d’ailleurs curieux que le programme souligne explicitement ces enjeux éthiques pour le thème lié à la laïcité, mais qu’il ne le fasse pas pour tous les thèmes. Aucune mention « d’enjeux éthiques » dans le thème « Groupes sociaux et rapports de pouvoir » où l’on aborde le racisme, le sexisme et les groupes LGBTQ+.

Certes, il faut enseigner aux élèves que la discrimination est immorale et illégale. Mais une fois cela dit, il reste des questions éthiques qui sont débattues chaque semaine. Pensons à la discrimination positive, à l’affaire du mot en « n » ainsi qu’à l’intégration ou non des personnes trans dans les compétitions sportives et dans les prisons. Le programme devrait donc mentionner, comme il le fait pour la laïcité, qu’il y a plusieurs manières d’aborder ces questions, autant en société qu’en classe.

En résumé, le cours Culture et citoyenneté québécoise évite les erreurs du cours ECR, mais il n’est pas exempt de fautes pour autant. Alors qu’il est en projet pilote à l’heure actuelle, il serait intéressant d’entendre les candidats de la CAQ réagir au fait que leurs engagements en faveur de la laïcité ne se retrouvent pas dans le nouveau programme. La campagne électorale semble le moment tout indiqué pour ce faire.

1. Consultez l’étude de François Côté et David Santarossa Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion