Les soins et services à domicile deviennent essentiels dans un contexte de vieillissement accéléré de la population. Le statu quo coûtera très cher, en plus de ne pas répondre au souhait des personnes âgées de demeurer le plus longtemps possible à domicile et d’éviter ou de retarder l’entrée en institution d’hébergement. La campagne électorale actuelle est l’occasion d’examiner la position des partis politiques sur cette question cruciale.

Le Québec est la province qui investit le moins en soins et services à domicile : 237 $ par personne, alors que la moyenne canadienne est de 300 $⁠1. Et le Canada est l’un des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques qui financent le moins les services à domicile. Le Québec ne consacre que 22 % des dépenses en soins de longue durée aux services à domicile, privilégiant plutôt les services en institution (78 %).

Concrètement, les 200 000 personnes âgées usagères des soins à domicile reçoivent en moyenne moins de deux heures de services par semaine du réseau public. Plus de 45 000 personnes sont en attente de services et il peut s’écouler plusieurs mois avant de recevoir les maigres services disponibles.

Les travaux de la Chaire de recherche sur les enjeux intergénérationnels ont montré que le statu quo entraînera des coûts annuels de 25 milliards de dollars en 2050, soit quatre fois plus qu’actuellement⁠2.

La Chaire a aussi analysé trois scénarios d’investissement en soins à domicile qui multiplieraient par 4, 5 ou 6 le nombre moyen d’heures de services et fourniraient entre 7 et 13 heures de services en moyenne par semaine⁠3. Tous ces scénarios représentent une économie à terme de 1 à 5 milliards de dollars par année par rapport au statu quo.

Au cours de la dernière année, j’ai rencontré les principaux partis politiques pour les sensibiliser à cet enjeu et les convaincre de proposer aux électeurs des engagements concrets sur les soins à domicile. Je tiens à préciser que depuis mon départ de la politique provinciale, je ne milite dans aucun parti. Voyons ce qui est proposé dans le cadre de la campagne actuelle.

Les propositions

La Coalition avenir Québec a habilement reporté l’action sur cet enjeu après les élections sans proposer d’actions concrètes structurantes. Le dernier budget annonce des investissements de 785 millions d’ici 2027. Mais il s’agit ici d’investissements composés : en fait, c’est à terme un rehaussement net de seulement 250 millions de dollars du financement des soins à domicile en 2027. C’est peu si on considère que pour fournir une heure de service supplémentaire par semaine aux 200 000 usagers âgés, il faut compter environ 500 millions de dollars par année, plus les 200 millions nécessaires pour desservir les personnes déjà en attente.

Québec solidaire s’engage à hausser de 750 millions de dollars le budget annuel des soins à domicile, ce qui ajouterait environ une heure et demie de services par semaine. C’est mieux, mais un total de 3,5 heures par semaine (environ deux visites) est loin de répondre aux besoins des personnes en perte d’autonomie. On propose aussi de rémunérer les personnes proches aidantes. L’intention est bonne, mais il s’agit là de la confirmation de l’implication de ces personnes, surtout des femmes, dans un contexte d’insuffisance de soutien de l’État. On encouragerait ainsi le départ de ces personnes du marché du travail à une époque de pénurie où on a bien besoin d’infirmières, de préposées, d’enseignantes et d’éducatrices.

Le Parti québécois propose de rehausser le budget annuel des soins à domicile de 3 milliards de dollars pendant un premier mandat pour atteindre 50 % du budget des soins de longue durée consacré aux services à domicile.

Au regard des scénarios de la Chaire, il s’agit d’un ajout significatif de sept heures de services par semaine, portant à neuf heures en moyenne les soins à domicile, soit une visite par jour (en semaine). Pour le parti ayant naguère porté le projet de l’assurance autonomie, c’est cohérent.

Le Parti libéral ne propose que peu de choses, hormis une allocation directe aux personnes aînées et une bonification du financement des organismes communautaires, ce qui est aussi proposé par les autres partis.

Enfin, le Parti conservateur propose une assurance universelle de soins de longue durée basée sur des cotisations à partir de 40 ans, sans plus de détails, notamment quant à l’implication financière de l’État.

Sans conteste et sans parti pris, c’est le PQ qui a la proposition la plus intéressante et la plus réaliste pour amorcer un véritable virage vers les soins à domicile. Une telle proposition permettrait de combler le retard du Québec sur cette question en fournissant aux personnes âgées les ressources nécessaires pour vieillir à domicile et retarder l’entrée en institution. En plus, même si elle paraît coûteuse, cette solution s’éloigne du dispendieux statu quo qui sera insoutenable pour les générations futures. Sans présumer des résultats du scrutin, il reste à espérer que cette proposition sera retenue par le futur gouvernement. Il n’y a pas de faute à récupérer une proposition intéressante.

1. Lisez « Home care spending data are a launching point for better policies » (en anglais) 2. Lisez « Le financement du soutien à l’autonomie des personnes âgées à la croisée des chemins » 3. Lisez « Les impacts financiers d’un virage vers le soutien à domicile au Québec » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion