Il y a plus d’un an, le candidat Denis Coderre a déclaré que Montréal avait besoin de 250 policiers supplémentaires. Depuis, le débat à Montréal tourne presque exclusivement autour du nombre de policiers qu’il nous faut, un discours dangereusement réducteur qui risque maintenant d’être repris tout au long de la campagne électorale québécoise.

Cette idée de recruter 250 agents était un exemple typique de l’approche Coderre : prendre un enjeu complexe (la violence, dans ce cas-ci) et tenter de le réduire à sa plus simple expression. Et puisque 250 était le nombre de policiers demandé par la Fraternité des policiers et policières de Montréal, la proposition de Coderre avait aussi l’avantage de transformer son ennemi pendant son mandat de 2013 à 2017 en un allié pour sa nouvelle campagne.

Dans l’année qui a suivi, l’ancien parti de Coderre, Ensemble Montréal, a continué de proposer l’embauche de ces 250 policiers comme solution magique au problème de la violence armée.

Projet Montréal, pour sa part, a augmenté de 45 millions de dollars le budget du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en 2022, une augmentation record devant permettre au Service de recruter 122 nouveaux policiers.

Le conflit entre les deux partis municipaux sur le nombre de policiers n’est maintenant plus à propos. La Coalition avenir Québec, en mode campagne, a annoncé samedi qu’elle allait travailler avec la Ville de Montréal pour engager 450 nouveaux policiers, coupant ainsi l’herbe sous le pied d’Ensemble Montréal et du rival majeur de la CAQ, Éric Duhaime et son parti, qui avait promis quelques jours plus tôt l’embauche de 400 policiers dans la métropole.

Personne n’a encore expliqué concrètement en quoi l’augmentation du nombre de policiers permettrait de réduire la violence armée. Lors de la conférence de presse samedi dernier, la ministre Geneviève Guilbault s’est contentée de dire qu’on voulait rétablir le sentiment de sécurité des Montréalais avec une présence policière accrue. Elle a évité de répondre aux questions des journalistes sur les objectifs concrets des investissements – la réduction du nombre d’armes à feu ou de meurtres, par exemple.

L’autre manque

En fait, une explication serait difficile à offrir. À l’heure actuelle, Montréal est la ville canadienne qui affiche le plus haut taux de policiers par habitant, soit 33 % au-dessus de la moyenne des grandes villes du pays. Ce nombre devrait grimper à 41 % avec l’annonce de samedi. Si toutes ces ressources policières existantes n’ont pas réussi à prévenir les crimes violents, c’est parce qu’il y a un manque autre que les effectifs policiers. C’est justement ce manque qui devrait être au cœur du débat.

De nombreuses études ont démontré que pour réduire la violence, il est beaucoup plus efficace d’investir dans les interventions communautaires que dans le système policier.

Ce n’est pas dire qu’on devrait ignorer les actes de violence lorsqu’ils surviennent, mais plutôt que le gros du travail peut être fait en amont et qu’il est bien moins coûteux, autant sur le plan financier qu’en termes de vies humaines, de prévenir que de réprimer la violence.

Investir dans la répression, c’est octroyer plus d’argent à la police, aux tribunaux et au système carcéral – ce qui mène surtout à l’emprisonnement de personnes qui n’ont commis aucun acte de violence, mais qui semblent susceptibles d’en commettre. Après quoi, malgré tout l’argent dépensé, ces personnes retournent dans leur communauté dans une situation plus difficile qu’avant, sans qu’aucun des problèmes ayant mené à la violence ait été réglé.

Les causes de la violence étant multiples et complexes, nous avons besoin d’un vaste éventail d’interventions. Au bout du compte, il ne faut pas seulement se demander quels effectifs non policiers sont nécessaires, mais aussi où ils seront affectés et quel sera leur mandat.

Il existe des modèles de prévention de la violence, comme CURE Violence aux États-Unis, qui fonctionnent très bien et qu’on pourrait adapter au contexte local. Ces modèles comportent de nombreux volets, les trois plus importants étant l’offre de soutien en santé mentale aux victimes de la violence armée, les programmes d’emplois d’été pour les jeunes que l’on marginalise et le déploiement de travailleurs de rue formés pour tisser des liens avec les personnes marginalisées et criminalisées et désamorcer les conflits avant que la violence n’éclate.

À Montréal, ces programmes n’existent pas ou sont freinés par un manque de financement (comme c’est le cas pour les travailleurs de rue).

Le forum sur la violence armée tenu récemment à Montréal, même s’il avait des défauts importants, a permis d’alimenter la discussion sur les réponses communautaires à la violence. Cette discussion doit se poursuivre – avec et surtout sans la présence du SPVM. Nous devons aussi allouer les ressources nécessaires à la mise en place des solutions prônées par les participants à ces discussions.

C’est autour de ces questions, et non autour du nombre de policiers, que devrait s’articuler le débat.

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