Sortons le logement du cycle électoral et consacrons-lui toute l’attention qu’il mérite, au quotidien comme à long terme, en commençant par la nomination d’un ou d’une ministre de l’Habitation à temps complet.

Ce matin, à Laval, se tient le Sommet de l’habitation 2022. À l’initiative des villes de Longueuil et de Laval, il réunit une variété d’acteurs du Grand Montréal concernés par le logement.

Que trois des plus grandes villes de la province collaborent ainsi (la mairesse Valérie Plante sera également présente) envoie un message fort au prochain gouvernement. Pour les villes en question, il y a sans doute un désir d’établir un rapport de force avec ce dernier. Mais au-delà des considérations politiques, il faut se réjouir de cette initiative qui révèle une volonté réelle de trouver des solutions à ce fondamental enjeu de société.

La lettre des maires de Laval et de Longueuil, publiée dans ces pages plus tôt cette semaine⁠1, fait état d’idées porteuses et de solutions structurantes. Nous saluons leur volonté de pousser la conversation sur le logement hors des cadres établis. Ils peuvent compter sur nous pour y contribuer.

À maintes reprises au cours de la dernière année, Centraide du Grand Montréal a pris position sur la pénurie de logements abordables. Cette pénurie est la source de plusieurs problèmes, en créant une pression indue sur les finances et la santé physique et mentale d’un trop grand nombre de citoyens.

En ce mois de rentrée scolaire, pensons ainsi à ces parents qui consacrent plus de 50 % de leurs revenus nets à se loger. Pour arriver à payer les crayons, cahiers et souliers d’éducation physique requis pour leurs enfants, ils devront faire des choix difficiles, comme réduire leurs achats de nourriture, ou sa qualité.

Dans les 20 dernières années, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a noté que les investissements pour les logements abordables avaient diminué de plus de 50 % alors que les dépenses publiques pour les programmes de soutien pour les personnes se cherchant un logement abordable avaient augmenté. Cet exemple parmi tant d’autres témoigne de l’importance de s’attaquer aux causes de la pauvreté plus qu’à ses effets.

Penser à long terme

Dans notre société, où nous avons fait le choix d’un rôle important des gouvernements dans le mieux-être collectif, les enjeux sociaux ne peuvent être abordés qu’avec leur participation active. Quelles que soient les solutions ciblées, elles impliqueront nécessairement les trois ordres de gouvernement, en particulier le provincial et le fédéral.

C’est là que se trouvent les véritables leviers financiers requis pour s’y attaquer. Nous devons également y voir une véritable volonté d’arrimer les différents programmes de financement et d’alléger les divers processus administratifs.

Trop souvent, les cycles électoraux dictent l’ordre du jour. Notre premier objectif devrait être d’établir un véritable plan de 10 ans avec des objectifs à atteindre.

Le logement n’est pas un enjeu ponctuel : il est récurrent, insidieux, et un important facteur dans la qualité de vie de toutes et tous. Un horizon plus lointain laissant place aux débats doit être considéré afin que le logement devienne une priorité, et non pas seulement un problème consistant à « trouver des logements à des gens mal pris en juillet ».

Dans un deuxième temps, pourquoi ne pas confier ce plan de 10 ans à un ou une ministre qui y serait entièrement consacré ? Quelqu’un qui, du matin au soir, ne penserait qu’à une chose : le bien-être immobilier de l’ensemble de la population québécoise. Il est grand temps que le logement reçoive l’attention quotidienne qu’il requiert. La nomination d’un ministre de l’Habitation qui se consacrerait à cette question serait un signal fort de l’importance de cet enjeu pour notre société.

Innover, socialement !

Il est urgent de reconnaître la contribution des citoyens ainsi que des secteurs communautaire et privé afin de les inclure dans les éventuelles solutions. Le parc locatif est détenu à 89 % par le secteur privé sur le territoire du Grand Montréal. Le secteur communautaire et les citoyens, quant à eux, peuvent apporter un éclairage essentiel.

Voyez-vous, l’innovation n’est pas que technologique : elle peut également être sociale. L’innovation sociale doit donc guider les réflexions et la conversation, et se nourrir des aspirations des citoyens et d’expériences inspirantes, ici et à l’étranger.

Sur la base de la collaboration amorcée au Sommet de l’habitation, nous devons établir des objectifs clairs et des mesures de performance. Nous pourrions prendre exemple sur Vienne, en Autriche, qui est le plus important propriétaire de logement, avec le budget annuel qui va avec, garantissant des logements abordables à long terme. Ou encore la manière dont l’Espagne a fait des logements abordables une priorité sociétale.

Le Sommet doit être le début d’une grande mobilisation. La volonté y est ; les astres semblent alignés.

Redonnons espoir à nos 200 000 concitoyennes et concitoyens qui aspirent à un logement social, abordable et convenable ; un espoir chiffré, réaliste, devenu priorité pour les différents ordres de gouvernement. Un logement adéquat et abordable aura pour effet direct de réduire la pauvreté tout en diminuant les inégalités.

En bâtissant sur l’extraordinaire tissu social soutenu à bout de bras par les organismes communautaires et sur l’inépuisable bassin de créativité québécoise, nous trouverons et appliquerons des solutions innovantes. Ayons le courage de faire les gestes qui feront une différence. Mais surtout, ayons le courage de nous donner collectivement une obligation de résultat.

1. Lisez la lettre des maires de Longueuil et Laval Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion