Notre système de santé est au confluent de tous les défis. Mais sans doute, le défi le plus important demeure la disparité inquiétante entre la croissance des dépenses en santé et la croissance (décroissance ?) des revenus de l’État. Et le Québec ne fait pas figure d’exception en la matière puisqu’on fait face à un phénomène planétaire.

Néanmoins, parmi les pays industrialisés, nous évoluons avec un système de santé parmi les moins outillés pour affronter ce défi qui façonnera la prestation de soins des prochaines années. Saurons-nous trouver les nécessaires correctifs pour redresser la situation ? Pourrons-nous rester fidèles aux valeurs qui ont enfanté notre système de santé ? Ou de façon plus prosaïque, serons-nous capables de maintenir l’offre de soins de santé ?

La prestation de soins, les méthodes de gestion, notamment des ressources humaines et les modes de gouvernance, sont aujourd’hui le fruit d’une réflexion systémique qui a eu cours dans les années 1960. Depuis, il y a eu des manœuvres de rapiéçage déconnectées des enjeux contemporains et surtout motivées par des intrigues politiciennes. Nous nous retrouvons donc aujourd’hui avec un système de santé lourd, pataud et passéiste incapable de relever les défis de notre temps.

Il nous faut impérativement reprendre une réflexion profonde sur l’avenir de la santé au Québec. Et les conjonctures économique, sociale et démographique rendent l’exercice impérieux.

Cela pourra prendre la forme d’un livre blanc, d’une commission parlementaire ou d’états généraux, mais nous devons articuler le changement pour ensuite agir.

Contenir l’hémorragie

Entre-temps, il convient de contenir les divers endroits où le système est en hémorragie.

D’abord, on sait aujourd’hui que 5 % des usagers du système génèrent 50 % des dépenses en santé. Cibler ces 5 %, cartographier leurs besoins et comprendre leur rapport à notre système de santé nous offre une possibilité incroyable d’épargne. Plusieurs études démontrent qu’une gestion de soins ciblée et intensive pour patients complexes améliore la qualité de la prestation de soins et procure une réduction substantielle des dépenses. Une étude américaine, dans un contexte de Medicare, suggère que pour chaque dollar investi, on peut économiser jusqu’à 2,60 $. Dans cette étude, les patients à haut risque sont ciblés en fonction de leurs comorbidités (plusieurs pathologies coexistantes) métabolique et psychiatrique, de leur taux d’utilisation des salles d’urgence et/ou de la lourdeur de leur pharmacopée. Information qui est d’ores et déjà accessible dans les bases de données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

Dès aujourd’hui, on peut interroger nos données, cibler les patients malades et les recruter dans un programme de soins ciblé et intensif et faire des économies d’échelle tout en améliorant la qualité des soins.

Enfin, il convient d’inverser le mode de création des programmes en santé. Les programmes de santé sont intriqués dans la base et sur le terrain, c’est une donnée fondamentale. Les politiciens et technocrates du système ne peuvent pas être les seuls promoteurs du changement. Il faut interpeller les idées à partir de la base. Le système de santé doit se doter d’un programme d’incubateur d’idées les plus prometteuses à travers un appel à tous les acteurs du système de santé, en particulier les travailleurs de la santé. Ces idées rehausseront la qualité des soins tout en diminuant les coûts en santé. Les soignants sont intéressés à une refonte de la prestation de soins et plusieurs voudront prendre part à un tel exercice. Cela pourra atténuer le cynisme ambiant en remobilisant nos professionnels pour leur système de santé.

Il est encore temps d’agir quoique l’heure est grave. La morosité et l’ambiance glauque qui règnent dans tout le réseau inquiètent. Il faut remobiliser, repenser, agir. Pendant que les pionniers se félicitent d’avoir accouché, pendant la Révolution tranquille, d’un système de santé qui répondait aux besoins des années 1960, il nous faudra prévoir notre révolution santé. Parce que c’est de cela qu’il s’agit, parce que c’est nécessaire : une véritable révolution santé. Pour que l’on puisse soigner les Québécois selon les besoins et les défis de notre temps. Mais soyons lucides, un éléphant ne se mange pas en une soirée. Il faudra prévoir et y aller une bouchée à la fois.

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