La chronique d’Yves Boisvert publiée le 4 août interpelle le droit à de l’information impartiale lorsqu’un journaliste parlementaire réfléchit à faire le saut en politique. Les principes déontologiques liés à l’honneur et à la dignité de la profession propres aux codes de déontologie des ordres professionnels nourrissent partiellement notre réflexion.

La question de l’ex-ministre libéral Gaétan Barrette est pertinente. Existe-t-il des règles encadrant le passage d’un journaliste en politique ? De surcroît, un journaliste affecté à des fonctions d’analyste parlementaire ? Le malaise généré chaque fois que cela survient et qui « égratigne » les membres de la profession journalistique est compréhensible.

Une règle soutenant le respect de la qualité de la profession notamment lors de « ces passages d’un monde à l’autre » et visant à préserver la confiance du public envers la profession de journaliste est-elle souhaitable ?

À première vue, deux enjeux déontologiques sautent aux yeux. Les informations privilégiées obtenues par le journaliste parlementaire, en réflexion sur son avenir politique, seront-elles utilisées à d’autres fins que celles pour lesquelles elles lui ont été confiées : la recherche de la vérité et des chroniques journalistiques ? Ce doute raisonnable sur l’utilisation de ces informations place les derniers jours, voire mois, du journaliste devant une situation de conflit d’intérêts apparent et peut-être même réel. L’entrevue du chef du Parti québécois par M. Drainville à quelques jours du passage de ce dernier à la campagne électorale péquiste nuit à l’image d’indépendance journalistique et de recherche de la vérité telle que le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec le stipule.

Est-ce que l’approche normative est la meilleure solution ? Il serait possible d’imposer déontologiquement aux journalistes, lorsqu’ils sont sollicités par un parti politique, de se placer sur la ligne de touche durant leur période de réflexion. Mais quand débute cette période ? L’année dernière, lors d’une première approche refusée par le journaliste ? Ou lors du début de sa réflexion face à un possible avenir politique au sein d’un parti donné ?

Quel en serait l’intérêt puisque la réponse est connue uniquement du journaliste en question : il est le seul en mesure de savoir quand il a franchi la ligne du conflit d’intérêts apparent. Et s’il devait être reconnu coupable d’avoir travaillé alors qu’il était en situation de conflit d’intérêts, quelle sanction serait juste et adaptée sachant que celle-ci surviendrait plusieurs mois ou années après les faits ?

Si l’approche normative n’est pas la meilleure solution, est-ce que l’éthique, ou plus précisément la compétence éthique, peut être utile et prendre le relai ?

L’éthique est interpellée lorsque la décision à prendre quant à une conduite spécifique n’est pas prévue, pas normée. Elle implique la mise en action des valeurs dans la prise de décision de la personne en cause. Des valeurs différentes peuvent mener à des décisions, des actions différentes.

La compétence éthique, celle qui est propre à la personne en situation, exige certaines bases. La première est la sensibilité éthique qui consiste à percevoir les enjeux de valeurs propres à la situation, au contexte (ici : indépendance, impartialité, confiance du public). Elle exige aussi de se décentrer de la situation, d’identifier et de considérer les attentes des autres parties prenantes. Par la suite, l’imagination de cette même personne à concevoir les conséquences de ses divers choix d’actions sur ces parties prenantes, dont la profession journalistique, a une incidence sur la décision finale. Enfin, la compétence exige d’expliquer son choix d’action par le partage de sa réflexion.

Est-ce qu’une partie de la solution passe par la compétence éthique en action ? L’intérêt légitime du public à une information de qualité est au cœur de notre réflexion. Sommes-nous trop exigeantes ?

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