Le président de l’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, a récemment suggéré aux citoyens de se préparer à des « inconvénients sensibles » durant le prochain hiver, en raison de la pénurie anticipée de gaz due à la baisse d’approvisionnement de la Russie.

Déjà, la Ville de Hanovre a annoncé qu’elle ne fournira plus d’eau chaude dans les édifices publics, et plus d’éclairage la nuit à l’hôtel de ville et dans les musées.

Dans ce pays, le gaz joue un rôle critique : il sert à la production d’électricité, au chauffage des espaces et de l’eau, et à faire tourner de nombreuses industries produisant des biens exportés partout dans le monde.

En être privé ne peut qu’entraîner une certaine paralysie de la vie économique et sociale, avec une Allemagne qui dépend pour beaucoup d’un fournisseur qui s’est avéré peu fiable, la Russie, pays ne partageant pas ses valeurs démocratiques.

Comme l’avaient prédit de longue date de nombreux alliés de l’Allemagne, Moscou a décidé d’exploiter son gaz à des fins politiques : utiliser la dépendance de l’Europe envers son gaz pour tenter de la diviser afin d’atténuer les sanctions prises contre lui en raison de son invasion de l’Ukraine.

S’il s’agit de la pire crise énergétique de l’histoire moderne, elle n’est pas sans précédent. Elle rappelle fortement celle des États-Unis au cours des années 1970, alors que la présidence de Jimmy Carter (1976-1980) a été dominée par les enjeux énergétiques.

Il est d’intérêt pour les Européens de revoir les similarités entre cette époque et ce qui s’annonce pour le prochain hiver.

En 1977, le président Carter a prononcé un discours télévisé à la nation pour parler d’un sujet fort peu abordé par la majorité de ses prédécesseurs : l’énergie. Selon lui, cet enjeu était devenu le plus important pour la nation, après la guerre.

Il indiqua que Washington devait prendre des mesures contraignantes pour réduire la consommation d’énergie, qui provenait principalement à l’époque de l’étranger. Il appela les citoyens à réduire la température du thermostat en hiver et donna l’exemple en portant des chandails de laine à la Maison-Blanche.

Il ajouta que le pays ne pouvait pas vivre dans une dépendance énergétique qui le soumettait à de possibles chantages de fournisseurs étrangers, lesquels feraient ralentir le fonctionnement des industries.

Il souligna l’importance de faire appel de manière plus agressive aux énergies renouvelables, dont le solaire. Le président Carter fera même installer un panneau solaire sur le toit de la Maison-Blanche.

[Mon plan] exige que nous fassions des sacrifices et des changements dans nos vies. Dans une certaine mesure, les sacrifices seront douloureux. Ils entraîneront des coûts plus élevés et des désagréments pour tout le monde. Mais ces sacrifices […] sont nécessaires.

Le président Jimmy Carter

Ces demandes de « sacrifices » ne seront pas bien accueillies aux États-Unis. Le président Carter sera, sans grande surprise, limité à un seul mandat.

Baisse importante de consommation de gaz

Les mots de M. Carter semblent particulièrement idoines pour la situation qui se jouera l’hiver prochain en Europe. L’Agence internationale de l’énergie signale que même si tous les gazoducs alimentant l’Europe fonctionnaient au maximum de leur capacité, même si on arrivait à importer un maximum de gaz naturel liquéfié, notamment des États-Unis, les approvisionnements de gaz ne seront pas suffisants pendant l’hiver.

Il faudra absolument diminuer la demande, ce qui met la balle dans le camp des citoyens et des industries. L’Europe s’est fixé des objectifs volontaires de 15 %.

Si cet objectif est atteignable dans certains pays moins dépendants du gaz russe, ce sera tout un défi pour les pays qui en dépendent davantage, comme l’Allemagne.

Pour passer à travers cette crise sans trop de heurts, les Européens auront besoin de pas mal de chance : du vent pour faire fonctionner les éoliennes, permettant ainsi de ne pas consommer du gaz pour l’électricité. Et, bien sûr, des températures clémentes.

Dans le cas inverse, avec peu de vent et un climat froid, l’hiver 2022-2023 entraînera beaucoup « d’inconvénients sensibles », de privations auxquelles les populations des pays riches sont bien peu habituées.

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