Comment transformer un phénomène médiatique annuel en solutions durables ? L’heure est à l’action.

« Papa, est-ce que la crise du logement est terminée ? », m’a demandé mon petit dernier de 11 ans en levant la tête de l’écran, par un matin de juillet. Il n’avait rien entendu à ce sujet aux nouvelles la veille, disait-il, et il n’avait rien vu dans La Presse+ ce matin-là. « Est-ce que la crise dure seulement trois semaines ? », s’étonnait-il.

Bien que je sois très content qu’il s’intéresse à l’actualité et que j’aie ainsi l’occasion d’en discuter avec lui, sa question m’a troublé. À travers ses yeux de citoyen en devenir, mon garçon soulevait l’inexorable réalité du milieu communautaire.

Les crises sociales n’existent pas seulement lorsqu’elles reçoivent l’attention des médias ou des politiciens. Pour les personnes en situation de vulnérabilité qui les subissent et pour les organismes communautaires qui soutiennent ces personnes, ces crises font partie du quotidien. Elles n’ont pas de durée définie.

Non, la crise du logement n’est pas un phénomène qui revient chaque année, du 15 juin au 5 juillet, tel un festival. C’est un enjeu social qui perdure tout au long de l’année, et ce, depuis longtemps.

Si vous en parlez avec les dirigeants du Centre de référence du Grand Montréal, qui gère le service d’aide téléphonique 211, on vous dira que cela fait déjà deux ans que les demandes liées à la crise du logement sont à égalité avec celles qui concernent l’insécurité alimentaire.

Je pourrais discourir sur le pourquoi du comment de cette situation pendant plusieurs chroniques. Nombre d’explications ont été mises de l’avant récemment dans ces pages. Mais nous ne sommes plus à l’heure de la réflexion et des discours : nous devons maintenant agir.

La bonne nouvelle, c’est que la roue commence enfin à tourner dans le bon sens. En répondant à mon fils, je lui ai mentionné que cette année, l’enjeu du logement est discuté dans les médias depuis le mois d’avril et qu’il y est toujours présent tard en juillet, sous diverses formes. Plusieurs annonces d’investissement public dans le logement social et abordable ont été faites récemment, de la part des gouvernements du Québec et du Canada.

Les villes de Laval et de Longueuil tiendront un sommet sur l’habitation à la fin août. Montréal a lancé un comité-conseil sur le logement. La Communauté métropolitaine de Montréal a dévoilé une toute première politique d’habitation, invitant du même coup la population à une consultation publique. J’ajoute à ces efforts la Fondation du Grand Montréal qui, en collaboration avec Centraide du Grand Montréal, lancera un rapport sur le logement à l’automne.

La nécessaire conversation

Récemment, j’écrivais ici que nous avions besoin d’une grande conversation sur le logement qui impliquerait tous les acteurs de notre communauté.

Dans cet esprit, nous avons lancé en juin les travaux d’un groupe de travail sur le logement regroupant des collaborateurs issus de différents horizons.

Un groupe de défense des droits des locataires, des représentants de la santé publique et de villes du Grand Montréal qui discutent ensemble ? Je vous le confirme : c’est génial !

Nous y appliquons les principes de base de l’innovation sociale. Les discussions portent d’abord sur l’établissement des besoins, puis sur le développement de solutions adaptées aux problèmes actuels. Ces solutions doivent être durables, et prendre en compte la transition écologique.

Il faut noter que nous ne partons pas de projets existants ou d’un terrain vague disponible dans un quartier. Nous ne nous demandons pas, non plus, comment correspondre aux critères de programmes déjà existants. La page est blanche et nous sommes dans une logique hors programmes.

Nous nous basons sur les besoins réels des 200 000 ménages à faible revenu qui consacrent au moins 30 % de leurs revenus à leur loyer, de même qu’à ceux des 30 000 ménages inscrits sur les listes d’attente des habitations à loyer modique et des suppléments au loyer.

Ce sont eux qui comptent et qui sont au cœur de nos échanges.

Une autre question importante devra être considérée tôt ou tard : le financement des projets. Notre Groupe de travail sur le logement veille à mettre en commun des pistes de solution possibles, qu’elles viennent d’ici ou d’autres villes ou pays.

Je participe aussi, en parallèle, à des discussions avec des acteurs de notre communauté, dont des promoteurs immobiliers et des fondations privées, qui échangent des idées et des initiatives inspirantes. Par exemple, pourquoi ne pas réfléchir à des plans de financement qui intégreraient différentes variables pour un même édifice ? Si un rendement financier plus élevé est souhaité pour un certain nombre de logements, d’autres pourraient générer une rentabilité moindre et être financés en partie par des actifs philanthropiques. Ces fondations obtiendraient un rendement de leur capital, tout en s’attaquant à un enjeu de taille cadrant avec leur mission.

Ou encore, pourquoi ne pas créer une fiducie communautaire qui « gèlerait » le statut d’une unité d’habitation pendant plusieurs années, garantissant ainsi son abordabilité ? Ce sont des idées qui circulent et qui pourraient permettre de rassembler des acteurs aux profils très différents autour d’un même enjeu social.

Rêvons un peu et sortons des carcans que nous nous sommes imposés au fil des ans. Recréons la page blanche mentionnée plus haut. Les nombreux acteurs à qui j’ai parlé sont prêts.

Ensemble, nous pouvons poser les premières pierres d’une réponse collective à ce problème majeur, qui nuit à l’exercice de la pleine citoyenneté pour un trop grand nombre d’entre nous.

L’été prochain, mon garçon me demandera peut-être encore si la crise du logement dure trois semaines. Mais d’ici là, je lui fais la promesse de m’efforcer de garder la question bien présente dans le débat public. Et, surtout, de travailler à des solutions concrètes et inspirantes qui répondront aux espoirs des citoyens.

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