La Banque du Canada a haussé le 13 juillet son taux directeur de 100 points de base, une première depuis près d’un quart de siècle. Quelques jours plus tard, Statistique Canada nous apprenait que le taux d’inflation pour juin atteignait 8,1 % sur une base annuelle, là aussi un record, de plus de 40 ans cette fois-ci.

Nombre de commentateurs n’ont pas manqué de souligner, avec émoi, qu’il s’agissait là d’une situation catastrophique. Et pas seulement chez les commentateurs : le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, s’inquiétait sombrement de la présence d’une spirale inflationniste, les travailleurs et travailleuses réclamant de meilleurs salaires face à la hausse des prix à la consommation. Ces hausses des salaires augmentant les coûts des entreprises, qui les refilent aux consommateurs, qui redemandent des hausses de salaire, et ainsi de suite.

Face à ces cris d’orfraie, quelques mises en perspective me semblent nécessaires.

Si la hausse du taux directeur est un record de près de 25 ans, les taux n’en demeurent pas moins historiquement très bas : lors de cette dernière hausse de 100 points, le taux directeur était à 5,75 %, soit plus du double de ce qu’il est désormais.

Les taux payés par les consommateurs, notamment hypothécaires, sont eux aussi historiquement très faibles (on est loin des 22 % pour une hypothèque de cinq ans du début des années 1980). Certes, cela calmera les ardeurs de plusieurs ménages désirant faire l’acquisition d’une propriété, mais le problème est ailleurs, et c’est celui de la hausse vertigineuse de la valeur des immeubles, ce qu’une hausse des taux ne réglera pas à court terme.

Si on reprend la logique de M. Macklem, il est attendu que la hausse des salaires dépasse celle des prix à la consommation. Les travailleurs et les travailleuses cherchent à conserver leur pouvoir d’achat, sinon à l’accroître. Là où il faut craindre une spirale inflationniste, c’est lorsque la hausse des salaires est beaucoup plus élevée que celles des prix à la consommation. Or, ce n’est pas le cas, c’est même l’inverse. Le salaire moyen entre mai 2021 et mai 2022 au Canada a augmenté de 2,6 points de pourcentage de moins que l’inflation en juin ; les ménages canadiens ont donc subi une perte de pouvoir d’achat de 2,6 % en un an. On est très loin de la spirale inflationniste.

Finalement, l’inflation à la consommation en juin s’explique essentiellement par la hausse des prix de l’essence et des aliments. De la même manière, la hausse des prix industriels est causée elle aussi essentiellement par l’énergie, les matières premières alimentaires et les ressources minérales. Ces hausses sont causées, dans la quasi-totalité, par des phénomènes mondiaux qui échappent presque totalement aux velléités de contrôle et d’influence des institutions canadiennes.

La politique monétaire restrictive actuelle ne changera à peu près rien à cette poussée inflationniste et ne fera que frapper les ménages surendettés en augmentant leurs paiements hypothécaires et de crédit à la consommation, sans freiner la hausse du prix de leur panier de consommation.

D’ailleurs, il faut garder en tête que ces données sont pour juin. Depuis le début du mois de juillet, on voit aux États-Unis et au Canada une baisse marquée du prix de l’essence, et sur les marchés mondiaux, un recul du prix du pétrole et, surtout, des métaux et minéraux. Il reste celui des aliments qui ne semble pas nous donner de répit, particulièrement avec les évènements météo extrêmes doublés du conflit en Ukraine. Même si nul ne peut prédire l’avenir (particulièrement dans une période de turbulences telle que nous la connaissons), il y a fort à parier que le pire est derrière nous et que l’économie mondiale et nord-américaine est en période de consolidation. Ce qui a d’ailleurs fait dire à la secrétaire américaine au Trésor des États-Unis, Janet Yellen, que l’économie nord-américaine pourrait éviter une récession.

Voilà qui est plus sage que de brandir des épouvantails. Les faits sont têtus et doivent être mis en perspective historique, sans pour autant nier des effets marqués de la situation actuelle pour de nombreux ménages.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion