Plus tôt cette semaine, Éric Duhaime s’est présenté à la presse comme l’héritier de Jean Lesage.

Le slogan du Parti conservateur du Québec (PCQ), « Libres chez nous ! », s’inspire ouvertement du « Maîtres chez nous » des libéraux de 1962.

Et selon le chef, ce n’est pas un hasard.

À vrai dire, Duhaime est convaincu qu’il existe des affinités entre son engagement et celui de l’un des artisans les plus illustres de la Révolution tranquille : « À l’époque, l’idée était que le Québec soit plus maître chez lui […]. Aujourd’hui, notre message, c’est qu’on veut que les Québécois soient davantage libres chez eux […]. Je pense qu’on peut dire que c’est une révolution tranquille aussi. »

Si, manifestement, Éric Duhaime n’a pas peur des hauteurs, il a livré cette semaine l’un des exposés les plus insensés de sa vie.

Formulons-le autrement : ou bien le chef du PCQ est résolu à embobiner ses sympathisants, ou bien il était du genre à ronfler dans ses classes d’histoire à l’école secondaire.

Doit-on lui rappeler que le « Maîtres chez nous » de Jean Lesage était un écho à la plus importante promesse électorale des libéraux de 1962, soit celle de nationaliser l’hydroélectricité ? Duhaime, le libertarien, s’associe donc à un gouvernement qui a fortement contribué à mettre au monde l’État-providence, celui-là même qui hante les nuits du chef du PCQ depuis déjà de nombreuses années.

Lesage c. Duhaime

Mais au-delà du slogan, il y a les comparaisons avec Jean Lesage.

Éric Duhaime ose se comparer à ce premier ministre du Québec dont les historiens ont retenu un don pour la perspicacité et un instinct supérieur. Tandis que le PCQ est en 2022 le parti d’un seul homme, Jean Lesage, lui, a eu le génie de s’entourer des esprits les plus brillants de son époque. Il a mis sur pied une « équipe du tonnerre » en 1960 et a cru en René Lévesque en 1962 alors que la nationalisation de l’hydroélectricité divisait son cabinet.

Lorsqu’Éric Duhaime se compare à l’un des premiers ministres les plus sagaces de l’histoire du Québec, non seulement fait-il preuve d’une incapacité gênante à interpréter le passé, il tourne également le dos à une lecture beaucoup plus réaliste de son avenir politique.

En effet, s’il cherche désespérément à inscrire son mouvement à l’intérieur d’une tradition, ce n’est pas les élections de 1962 qui devraient intéresser Éric Duhaime, mais bien celles de 1976.

Cette année-là, pour protester contre la loi 22 adoptée à l’Assemblée nationale par les libéraux de Robert Bourassa, une bonne partie de la communauté anglophone avait décidé d’offrir son vote à l’Union nationale (UN).

Éric Duhaime et Rodrigue Biron, chef de l’UN à l’époque, n’ont pas grand-chose en commun, mais les gaffes de Dominique Anglade dans le dossier de la loi 96 et les données du sondage Léger de mai 2022, qui indiquaient que le PCQ se classait deuxième chez les non-francophones au Québec, devraient interpeller le flamboyant conservateur puisqu’elles rappellent les conditions des élections de 1976.

Malheureusement, Éric Duhaime sera déçu d’apprendre qu’en absorbant une partie du vote anglophone et celui des communautés immigrantes, l’Union nationale n’avait réussi à l’époque qu’à favoriser la victoire majoritaire du Parti québécois.

Près de 50 ans plus tard, le PCQ risque cette fois d’ouvrir le chemin de la gloire à François Legault.

N’en déplaise à Éric Duhaime, n’est pas Jean Lesage qui veut.

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