L’équipe éditoriale de La Presse est heureuse d’accueillir Laurence Vincent parmi ses collaborateurs habituels. Femme d’affaires bouillonnante de projets, Laurence est à la tête de la société Prével qui compte plus de 100 employés. Elle nous transmettra sa passion pour le développement urbain et les enjeux sociaux. Bonne lecture !

Pouvoir tout faire à pied, se rendre à la boucherie, s’arrêter jaser avec le poissonnier, s’accrocher les pieds sur une petite terrasse, croiser son voisin sur le chemin du retour, se faire saluer par les enfants du coin de la rue. C’est cette atmosphère qui existe dans nos quartiers vivants et tricotés serrés : tous ces commerces de proximité, le dynamisme des rues animées, les rencontres impromptues et l’énergie qui s’en dégage.

Depuis près de 20 ans, je participe au développement urbain de notre grande ville et j’ai souvent cherché comment faire vivre, à l’échelle de la grande région métropolitaine, cette vitalité et cet esprit de communauté. Une des réponses indéniables, c’est la densification.

Hier encore, c’était un mot qui intéressait bien peu de gens et qui, pour beaucoup, avait une connotation négative. Petit à petit, un changement s’opère et c’est tant mieux parce que la densité, c’est l’affaire de tous.

L’importance de densifier résonne de plus en plus, autant chez les environnementalistes que chez les économistes. Mais tant que la population n’y adhérera pas, on aura du mal à ce qu’elle devienne réalité.

Nous devons nous approprier collectivement la densité parce qu’il s’agit d’un mode de vie, d’une façon d’habiter la ville, d’une chance unique de se sentir partie prenante d’une communauté. La densité, c’est se dégager de notre asservissement à la voiture. La densité, ce sont des gens qui souhaitent s’enraciner dans un quartier et y faire leur nid. La densité, c’est la réponse à cet isolement, à ce repli sur soi qui nous guette plus que jamais avec le télétravail.

Et si, plutôt que de penser la densité en nombre d’étages, de pieds carrés ou de formes, on la pensait plutôt en parlant des humains, des personnes qui souhaitent habiter les quartiers et les cœurs de ville ? Tout le monde parle de bâtiments et de tours, mais personne ne parle de planification et d’anticipation de la demande. Personne ne parle des gens !

Dans cette optique, la Ville de Seattle a eu une approche inspirante qui a amené bien des citoyens à changer leur perspective quant à la construction de nouvelles habitations. Elle a décidé d’humaniser la densification en faisant une campagne grand public à travers laquelle étaient mis de l’avant des gens, des citoyens qui affirmaient : « I’d like to be your neighbour ! ». J’aimerais habiter ton quartier. Je voudrais être ton voisin. Faire partie de ton monde. Contribuer à ta communauté. Je voudrais avoir un endroit où vivre et me sentir bien.

D’une certaine façon, densifier, c’est aussi démocratiser. C’est laisser de la place pour l’autre. C’est partager le quartier que l’on habite et que l’on aime.

C’est maximiser l’utilisation des services publics existants et justifier d’autres investissements publics qui viendront rehausser la qualité de vie.

L’attrait de Montréal, autant pour son économie, sa culture que pour sa joie de vivre, repose en grande partie, et reposera de plus en plus, sur sa capacité à offrir de l’habitation. Et ce, pour tous.

La densification est un moyen important pour y arriver, car elle est indissociable de l’offre. Tant qu’il y aura un déséquilibre entre la demande et l’offre, les prix continueront de grimper. Sans prétendre que les prix diminueront le jour où l’offre sera suffisante, ne nous imaginons pas pouvoir contrer cette inflation si nous limitons à quelques privilégiés la capacité d’habiter nos quartiers centraux.

Dans les dernières semaines, des organisations crédibles comme l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec et Vivre en ville ont dévoilé des statistiques importantes, dont le fait que Montréal présente un déficit de 100 000 unités de logement et qu’il aura un besoin supplémentaire de 25 000 unités par année. Qui réfléchit à l’organisation de nos espaces urbains en fonction de cette importante demande ? Ne devrions-nous pas contrer la vague plutôt que la subir ?

Le gouvernement du Québec vient de faire un premier pas en déposant sa Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire. Bravo de se positionner clairement en faveur de la densification qu’on apprivoise encore collectivement ! Réalisons à quel point cet engagement en faveur de la densité constitue une remarquable évolution par rapport à la perception qu’on en avait il y a quelques années, voire quelques mois. Serait-ce le début d’un leadership fort en faveur du développement de collectivités viables, durables, résilientes, et ce, pour la grande région métropolitaine ? Il reste énormément de travail à faire et oui, il va falloir rendre tout cela plus concret. Mais saluons ce premier pas.

Comme Nord-Américains, habiter des quartiers densifiés est un changement important de paradigme. Et si on recherchait les côtés positifs de la densité ? Si on s’imaginait le plaisir de déambuler sur notre petite rue commerçante ? La chaleur du sourire du boulanger ? La joie des enfants de la ruelle ? L’énergie des rencontres improvisées ? La qualité de vie. Et ce, au quotidien.

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