En réponse à la chronique d’Isabelle Hachey, « Faut se parler »3, publiée le 10 juin

Le vendredi 3 juin, le DPierre Lalonde, médecin psychiatre chevronné et maintes fois récompensé pour son travail, était censé donner une conférence au congrès de l’Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ), à Mont-Tremblant. Faisant face à des médecins convaincus que le racisme systémique gangrène la psychiatrie au Québec, le DLalonde a voulu présenter une autre vision des choses, arguant que la pratique psychiatrique, au Québec, était plutôt caractérisée par une « bienveillance systémique »⁠1.

Préparant ce débat, il a invité, il y a quelques mois, l’auteur de ces lignes à l’accompagner, dans le but d’avoir un deuxième plaidoyer⁠2 pour déconstruire l’argumentaire des tenants de la théorie du racisme systémique. C’est donc avec plaisir que j’avais accepté cette invitation et que je me préparais en conséquence.

Or, une semaine avant le congrès, trois médecins psychiatres de l’hôpital Charles-Lemoyne ont fait circuler une lettre affirmant que le DLalonde n’avait pas « l’expertise » pour parler de racisme systémique et que, de mon côté, je tenais des « propos racistes et homophobes ». Ces trois médecins que sont Imen Ben-Cheikh, Mohammed Zaari Jabiri et Don Quang Tran ont reçu une quarantaine d’appuis d’autres médecins au Québec, de telle sorte que les membres du conseil d’administration de l’AMPQ ont décidé d’annuler notre partie lors de la présentation. C’est la présidente de l’AMPQ, Claire Gamache, qui nous l’a appris dans une lettre qui ne fournit aucune justification ni explication, encore moins d’excuses.

Le DLalonde et moi-même croyons avoir subi une campagne de salissage qui alimente à nouveau la culture du bannissement (cancel culture) de notre époque.

C’est à la suite de ces évènements que j’ai joint la journaliste Isabelle Hachey, en toute bonne foi, en croyant en son professionnalisme et en son intérêt pour la liberté d’expression. J’ai tenté de lui donner fidèlement le récit des évènements au fil d’échanges de courriels. Le 10 juin dernier, alors que je tombe sur sa chronique concernant cette affaire, je n’ai pu qu’être renversé par le propos qu’elle tient. Au tout début de son texte, Hachey avertit qu’« [i]l serait trop facile d’en faire une autre illustration de la cancel culture au Québec »⁠3. Ah bon ? Et qu’est-ce qui justifie un pareil avertissement ?

Mme Hachey fait une conclusion très rapide sur qui je suis afin de me disqualifier de la discussion rationnelle. Elle a intitulé sa chronique « Faut se parler », alors qu’elle n’a jamais essayé de me joindre au téléphone ou de me parler d’une autre façon… Par son raccourci, elle a ainsi fait comprendre à ses lecteurs que l’annulation subie par le DLalonde et moi-même est bien dommage, mais tout de même prévisible, et peut-être même méritée. Elle parle de Cécile Rousseau, la présentatrice, comme une médecin de bonne foi qui voulait discuter, mais qui fut empêchée par les circonstances. Cependant, la Dre Rousseau a concrètement justifié et appuyé notre annulation sans jamais s’en prendre à la campagne de salissage qui nous visait.

Par ailleurs, Isabelle Hachey omet de parler de certains faits pourtant cruciaux à la compréhension des évènements. Alors que nous apprenons que nous ne pourrons tenir notre conférence, le DLalonde me suggère tout de même d’assister au congrès, ce que j’ai pleinement le droit de faire. Au fil des jours, les organisateurs s’arrangent pourtant pour me mettre des bâtons dans les roues, si bien qu’en premier lieu, on m’affirme que je ne pourrai m’inscrire qu’à la journée du jeudi, alors que la conférence sur le racisme (amputée de notre partie) se tient le vendredi. Souhaitant m’informer sur cette étrange modalité, la Dre Martine Dériger, directrice générale de l’AMPQ, me réplique qu’au bout du compte, je suis simplement banni des lieux, alors que c’est elle-même qui m’affirmait le jour d’avant que j’avais bien le droit de m’y inscrire…

De tous les médecins impliqués dans notre annulation, aucun d’entre eux, je le répète, ne nous a apporté d’explications, de justifications ou d’excuses. Nous avons été tenus pour quantité négligeable, comme un « problème » à régler afin de laisser les « vrais » experts du racisme systémique parler sur scène, sans contrepartie. Il est malheureux que Mme Hachey ait décidé de contribuer à légitimer la vision de ces censeurs. La prochaine fois, il faudra vraiment se parler.

1. Lisez le texte de Pierre Lalonde dans Argument 2. Lisez le texte de Philippe Lorange dans Argument 3. Lisez la chronique d’Isabelle Hachey Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion