Ce n’est pas avec toute l’attention méritée que, le 2 juin dernier, la ministre fédérale Carla Qualtrough déposait, en Chambre, le projet de loi C-22. On doit saluer cette initiative qui vise à instaurer un revenu de base pour toutes les personnes handicapées en âge de travailler. Une telle prestation représenterait un pas de géant dans l’accomplissement du plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté. Selon Statistique Canada, 40 % des gens vivant sous le seuil de la pauvreté déclarent qu’ils vivent avec un handicap.

Cependant, bien des détails restent à régler. Le gouvernement fédéral prévoit des consultations s’échelonnant sur trois ans pour en déterminer toutes les modalités. Aux prises avec bien des dépenses supplémentaires pour pallier leur handicap en plus des effets d’une inflation galopante, les personnes visées ont raison de trouver que l’échéancier n’est pas assez ambitieux.

Mais quels individus seront visés ? L’admissibilité à une telle mesure est un enjeu prioritaire à régler. Linguistiquement et culturellement, dans le Canada francophone, un handicap n’a pas la même portée qu’une disability (incapacité) dans le Canada anglais.

C’est une des raisons qui expliquent le faible taux d’autodéclaration du handicap au Québec. Notre population réclame deux fois moins le crédit d’impôt fédéral pour personne handicapée que dans les autres provinces.

Imaginez si cette mesure, qui est déjà un portail vers d’autres programmes fédéraux, devenait le critère d’admissibilité à cette nouvelle mesure anti-pauvreté ! No deal.

Dans ce contexte, il devient impératif d’interpeller nos décideurs de tous les ordres de gouvernement afin qu’ils créent des passerelles entre les programmes. Par exemple, il deviendrait automatique qu’une personne recevant déjà des prestations en raison de contraintes sévères à occuper un emploi soit reconnue comme handicapée aux yeux de Revenu Canada. L’incapacité physique ou intellectuelle de travailler est un handicap majeur dans notre société. Après tout, le fait d’avoir un emploi est si central maintenant. Actuellement, la loi de l’impôt ne le voit pas comme tel.

Pour une personne ayant un handicap, qu’il soit évident ou invisible, il est aussi ardu de demander à son médecin de remplir un énième formulaire attestant sa déficience que d’aller manifester dans les rues.

Faisons preuve de courage ! Rapidement. Avant le dépôt des prochains budgets. Décideurs, n’attendez pas trois ans, la population sera derrière vous. Un sondage Angus-Reid⁠1 paru l’an dernier montre que 89 % des Canadiens sont en accord avec une prestation canadienne pour personnes handicapées. Et c’est au Québec que l’appui est le plus fort (91 %).

1. Consultez les données du sondage (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion