En réponse à l’éditorial de Vincent Brousseau-Pouliot, « Nos distorsions électorales », publié le 10 juin

La Presse a publié, il y a quelques jours, un éditorial qui explique très bien les problèmes du système actuel.⁠1 Bravo ! Ce n’est effectivement pas approprié qu’un gouvernement puisse obtenir 80 % des sièges (et donc 100 % du pouvoir) avec seulement 40 % des votes. On a besoin de gouvernements et de Parlements plus représentatifs de la volonté populaire pour avoir confiance dans notre démocratie et s’assurer que la population y participe.

Là où nous différons d’opinion est sur la solution mise de l’avant par Vincent Brousseau-Pouliot.

Comme le mentionne l’éditorialiste, en 2018, quatre partis de l’opposition, au Québec, dont la CAQ, s’étaient entendus et engagés à ajouter un aspect proportionnel à notre système électoral, pour le rendre mixte. Dans ce modèle, une majorité de député(e)s, par exemple 80 sur 125, seraient toujours élus dans des circonscriptions locales. S’ajouteraient 45 élu(e)s sur des listes régionales, afin qu’au final, à l’échelle du Québec, le pourcentage de représentants d’un parti se rapproche le plus possible du pourcentage des suffrages obtenu par ce même parti. Ç’aurait été plus représentatif, mais la CAQ a changé d’idée une fois au pouvoir. Contrairement à ses nombreuses promesses de ne jamais faire cela !

Ensuite, l’éditorial critique le scrutin proportionnel pur, ce qui pourrait facilement amener les gens à croire que c’est le système qui avait été proposé chez nous. Or, ce n’est pas le cas et il faut le dire franchement. Le système mixte proposé devait pallier les lacunes d’un système pur en empêchant la prolifération de petits partis grâce à l’imposition d’un seuil d’éligibilité (autour de 5 %) et à l’introduction d’un mécanisme de régulation des motions de défiance pour éviter la répétition à outrance des élections non anticipées.

Un autre avantage important d’un système mixte est d’encourager beaucoup mieux le travail transpartisan sur des dossiers importants.

On a tous et toutes apprécié comment le dossier de l’aide médicale à mourir a pu évoluer et continue de le faire au Québec. Une telle collaboration serait nécessaire au sein des coalitions ou des gouvernances minoritaires, favorisées par un système avec un volet proportionnel et encouragerait des solutions plus stables et réfléchies pour la société.

L’éditorialiste conclut en appuyant un scrutin préférentiel, prétextant sans démonstration que les élus seraient plus représentatifs de la majorité des électeurs. Rien n’est moins certain. Les derniers résultats en Australie ont font une démonstration éclatante : le parti gagnant, le Labor, a récolté 33 % du vote, mais 51 % des sièges, donc une majorité parlementaire sans partage. Se sont retrouvés dans l’opposition officielle les membres de la Liberal/National Coalition, qui ont obtenu 36 % des voix exprimées, mais seulement 38 % des sièges. Il s’agit d’un renversement de la volonté citoyenne comme au Québec en 1998 et au Canada en 2021.

Quant aux autres partis, ils ont ramassé 32 % du vote, mais seulement 11 % des députés. Incidemment, les Verts n’ont eu que 3 % des sièges malgré avoir obtenu 12 % de l’appui populaire.

Avec un scrutin préférentiel, il serait en fait encore plus difficile qu’avec le système actuel d’avoir une représentation à l’Assemblée nationale qui reflète vraiment les perspectives et la diversité des opinions de la population. Où chaque personne verrait que son vote compte vraiment.

Soulignons que le scrutin préférentiel avait été écarté pour le Québec, car ce système ne respecte pas les grands principes sur lesquels s’étaient entendus les partis en 2016.

Il est essentiel de revoir notre mode de scrutin pour s’assurer qu’il ne laisse pas les électeurs sur leur faim. Et, c’est un système mixte proportionnel avec compensation régionale comme en Allemagne et en Écosse qui était proposé par quatre des cinq partis de l’Assemblée nationale qui est la solution. Pour mémoire, rappelons que c’était la proposition de René Lévesque en 1968 quand il a créé le Parti québécois et que c’était la solution retenue par le gouvernement de Jean Charest en 2004 (avant qu’il renie lui aussi son engagement) et par le Directeur des élections du Québec en décembre 2007.

Si la tendance se maintient, le prochain scrutin général au Québec le 3 octobre sera une fois de plus un grand festival des distorsions électorales. Dire qu’en octobre 2018, comme en 2003, cela devait être la dernière fois que l’on voterait avec le vieux système électoral britannique que nous utilisons depuis 1792 ! Pendant combien de temps encore des partis politiques dans l’opposition berneront-ils la population pour prendre le pouvoir en promettant la vertu ? Et pendant combien de temps les citoyens accepteront-ils que la qualité de notre démocratie représentative ne soit pas un enjeu politique majeur, prioritaire et constant ?

* Cosignataires, membres du C.A. du Mouvement Démocratie Nouvelle : Sylvie Cantin, Françoise David, Luc Bordeleau et Henry Milner

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