L’auteure s’adresse à la ministre de l’Habitation du Québec, Andrée Laforest

Madame la Ministre, avez-vous lu ce terrible article publié le samedi 4 juin dans La Presse ? Savez-vous qu’un locataire aîné, Clément Robitaille, est mort en juillet 20211 « d’un malaise cardiaque après s’être déshydraté à la suite d’un séjour prolongé dans son véhicule sans ventilation ni climatisation, alors que les températures étaient élevées » ?

Et pourquoi ce séjour prolongé ? Parce que M. Robitaille, un septuagénaire à revenu modeste, a été évincé de son logement en janvier 2021 par des propriétaires dont les principales qualités n’étaient visiblement pas l’empathie, la compassion et le sens des responsabilités ! L’homme décédé dans des conditions pitoyables vivait littéralement dans sa voiture depuis six mois. Il y a passé l’hiver. Il ne trouvait pas de logement à prix abordable.

Lire cet article de Frédérik-Xavier Duhamel est à lever le cœur. Encore un drame lié à une crise du logement dont vous admettez l’existence du bout des lèvres, Madame la Ministre. Mais il y a plus : M. Robitaille n’aurait jamais dû être évincé de son logement, car l’article 1959.1 du Code civil du Québec l’interdit depuis l’adoption en 2016 du projet de loi 492 que j’ai eu l’honneur de défendre au Salon bleu. Un projet de loi écrit sur mesure justement pour éviter des drames semblables.

Alors, une question lancinante me taraude : comment des propriétaires – qui ne doivent ignorer les lois – peuvent-ils faire pression sur des locataires âgés, pauvres et vulnérables pour finir par obtenir qu’ils quittent les lieux ?

Qui va sanctionner cette conduite impardonnable et comment ?

Mais j’ai aussi une proposition pour vous : depuis son adoption, le projet de loi 492 n’a jamais fait l’objet d’une publicité gouvernementale digne de ce nom. Bien des locataires aînés en ignorent l’existence malgré les efforts des comités logement. Votre parti – devenu gouvernement – est-il honteux d’avoir appuyé une loi qui peut être utile à une partie des aînés québécois ? Je vous demande, Madame la Ministre, de mettre en place une véritable campagne pour informer les aînés du Québec. Vous pourriez ainsi épargner à bien des personnes âgées locataires des maladies, des dépressions et, dans ce cas-ci, une mort absurde et indigne.

Je vous suggère fortement d’aller plus loin : le projet de loi 492 a besoin d’être renforcé, actualisé. Pourquoi ne pas l’appliquer aux personnes de 65 ans (plutôt que 70 ans en ce moment), qui vivent dans leur logement depuis cinq ans (plutôt que 10 maintenant) ? Pourquoi ne pas permettre aux aînés à revenu modeste, et non seulement aux plus pauvres, d’être couverts par une loi qui les protège d’un déménagement obligé ?

« C’est parce qu’ils l’ont mis dehors qu’il s’est laissé mourir », affirme un ami du défunt. Je le crois. Pour une personne aînée, l’incertitude, la perte de repères, le déracinement peuvent être fatals. Attendrez-vous un autre drame pour agir ?

1. Lisez le texte de Frédérik-Xavier Duhamel : « C’est parce qu’ils l’ont mis dehors qu’il s’est laissé mourir » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion