Les auteurs s’adressent au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant

« Tout ce qui se mesure peut s’améliorer », énonce un principe fondamental en éducation. Alors réjouissons-nous du fait que le ministère de la Santé et des Services sociaux nous propose des tableaux informatifs sur les délais d’attente de différents services, allant de l’opération tant espérée à l’indispensable évaluation du niveau de compromission développemental d’un enfant subissant une dynamique familiale difficile.

Ceci dit, en santé mentale, la liste d’attente est particulièrement longue. À ce jour, on parle d’environ 20 000 personnes, malgré un projet novateur lancé en novembre 2020 par le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, auprès de l’Ordre des psychologues. L’objectif était de réduire, voire d’éliminer, la liste d’attente en santé mentale. Nous saluons les efforts consentis par les psychologues dans une période où les besoins sont nombreux et de diverses natures.

Face à cette situation fort préoccupante et à sa couverture médiatique de plus en plus abondante, nous désirons manifester notre présence professionnelle dans les réseaux des services sociaux et de l’éducation, tant publics que privés. Monsieur le Ministre, nous levons la main bien haut !

Nous vous lançons cet appel, car nous voulons contribuer nous aussi aux efforts d’accessibilité à des services en santé mentale.

Nous sommes des psychoéducatrices et des psychoéducateurs formés et membres d’un ordre professionnel. Nous évaluons, intervenons et accompagnons les personnes ayant des besoins particuliers, de la petite enfance à l’âge d’or. Nous adhérons à la vision du Plan d’action interministériel en santé mentale⁠1 qui consiste à offrir le bon service au bon moment. Encore faut-il que les services soient connus !

Nous voulons vous signifier, Monsieur le Ministre, que nous avons créé l’Association des psychoéducatrices et psychoéducateurs (APP) le 2 février 2022. L’une de ses missions est de faire connaître la profession au grand public. L’évolution de la pratique de notre profession a fait en sorte qu’en 2022, nous intervenons auprès de clientèles diversifiées dans presque tous les milieux de vie, que ce soit avec des adultes éprouvant des difficultés d’adaptation liées au stress, à l’anxiété ou aux prises avec une dépression, qu’auprès d’enfants et d’adolescents qui souffrent de retards de développement, du trouble du spectre de l’autisme, de troubles du comportement ou de compromission du développement. Nous travaillons aussi en réinsertion sociale avec des populations marginalisées, comme des personnes sans domicile fixe, des communautés autochtones et des minorités ethniques.

Nous ne sommes pas seulement présents dans les écoles primaires et secondaires, mais aussi au collégial et à l’université, au sein des services d’aide en santé psychologique et d’accompagnement des étudiants. Nous aidons des personnes vivant avec des incapacités physiques ou intellectuelles, des personnes souffrant de dépendance au jeu, à l’alcool et aux drogues.

Pour une meilleure coordination des ressources en santé mentale

À notre avis, une meilleure coordination de l’offre en santé mentale doit s’articuler autour de plusieurs professionnels aux compétences multiples et complémentaires. De plus, l’organisation des services doit être souple et modulée en fonction des besoins. Il serait illusoire de croire que les besoins des 20 000 personnes en attente sont homogènes et linéaires. Il serait tout aussi incohérent de répondre à tous ces besoins par une voie unique. Par exemple, nous croyons que la formule d’autogestion en groupe est une manière innovante pour rejoindre les personnes. Des expériences en ce sens dans certaines régions ont contribué à réduire la liste d’attente significativement.

Par ailleurs, il serait souhaitable de décloisonner les services en intégrant des professionnels à des équipes existantes selon des modalités variées. Ainsi, les psychologues, dont la pénurie est criante, pourraient avoir à conjuguer des rôles en intervention et en supervision pour certains dossiers complexes tandis que des psychoéducateurs ou autres professionnels pourraient se faire confier le volet de suivi personnalisé ou en groupe. Des ressources professionnelles en pratique privée pourraient donc se greffer à ces équipes au fil des collaborations selon les besoins de la communauté.

Une société distincte

Depuis la naissance de notre profession dans le Québec des années 1950, les expériences de terrain nous ont façonnés à sortir des sentiers battus pour rejoindre les personnes vulnérables et leur entourage. N’est-ce pas une belle occasion, Monsieur le Ministre, d’envisager de nouvelles pistes de collaboration afin de renouveler et augmenter l’offre de services en santé mentale ? Vous avez des professionnels de la psychoéducation tout près et prêts à servir.

Nous avons une capacité à nous mobiliser et des compétences diversifiées pouvant répondre aux besoins en santé mentale, sans cesse croissants, de nos enfants, parents, grands-parents, collègues, voisins et amis. Nous sommes là, vous n’avez qu’un signe à nous faire et nous serons présents à vos côtés afin de contribuer au mieux-être de la société québécoise, notre société.

1. Consultez le Plan d’action ministériel en santé mentale Consultez le site de l’Association des psychoéducatrices et psychoéducateurs Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion