Avec le mois de juin qui commence apparaissent les premières publicités pour le Grand Prix de Montréal post-pandémie. Je dois avouer que je ne m’étais pas ennuyée de ce festival du bruit, de la pollution, de la masculinité hégémonique et de sa marchandisation des corps féminins.

Le fait est connu : Montréal est une destination prisée pour les hommes qui se paient des escortes et des visites dans les cabines des bars de danseuses. Pendant la fin de semaine du Grand Prix, ils sont nombreux à venir à Montréal pour s’offrir une fin de semaine festive et se booker une « Frenchie » au passage. Cette pression a des répercussions bien réelles : il faut trouver des filles, beaucoup de filles, de toutes les couleurs, afin de répondre à cette demande intense de la part de touristes locaux et internationaux. Les recruteurs sont déjà au travail, explorant Instagram, Snapchat et passant par leurs contacts dans les centres jeunesse et les écoles afin de trouver de nouvelles recrues.

Comme le film Noémie dit oui le montre bien, les techniques de l’industrie du sexe pour recruter des jeunes femmes ont bien changé.

On leur présente ça comme une « gig », un coup à donner pour faire des milliers de dollars rapidement. À l’image du personnage de Zach dans l’excellent film de Geneviève Albert : fais-le, c’est juste du cul…

Et pour toutes sortes de raisons, elles sont nombreuses à dire oui. Et pour toutes sortes de raisons, je les comprends.

Mais ceux que je ne comprends pas, ce sont les hommes, ces clients. Ces messieurs Tout-le-Monde, ces pères de famille que je lis, dans le cadre de mon travail, sur les forums de discussion qu’ils fréquentent. Sur ces plateformes, ils commentent, détaillent, évaluent, critiquent les femmes qu’ils paient. Ils s’écrivent lorsqu’ils se rendent à Gatineau, Québec ou Sherbrooke pour un voyage d’affaires, question de savoir quelles sont les recommandations locales. Ils se consultent, en prévision du Grand Prix, pour savoir s’il y a de nouveaux produits intéressants sur le marché.

En fait, je les comprends de se sentir en toute impunité, de se comporter comme des consommateurs comme les autres, car le Québec a choisi de taire le choix de société effectué en 2014, celui de vouloir réduire la demande de services sexuels.

Depuis ces importants changements législatifs, le gouvernement n’a produit aucune campagne de publicité destinée à rappeler aux hommes qu’acheter des services sexuels est une infraction criminelle au Canada. Aucune communication autour du fait que chez nous, les femmes en situation de prostitution ne sont plus considérées comme des criminelles, mais que ce sont eux, les criminels. Je rêve d’une campagne publicitaire qui expliquerait que sans cette demande forte et croissante d’escortes, les proxénètes et les recruteurs se trouveraient d’autres sources de revenus. D’un message autour du fait que ce sont eux, les clients, qui sont à l’origine du recrutement pour la prostitution et de la difficulté pour les femmes de sortir de ce milieu.

Encore cette année, le Grand Prix viendra nous polluer l’air et les tympans. Encore cette année, il y aura trop de demande et pas assez d’offre. Donc trop de Noémie…

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