En réponse au texte de Stephan Fogaing, « Équité, diversité et inclusion : l’enfer est pavé de bonnes intentions », publié le 28 mai

Les mots qui suivent ne se veulent pas un argumentaire en faveur de l’EDI, l’équité, la diversité et l’inclusion. Ils se veulent plutôt une tentative de correction de sophismes, de généralisations et de conclusions simplistes qui parsèment le texte de Stephan Fogaing1, sans vouloir manquer de respect aux convictions de l’auteur.

Débutons par le titre de l’article auquel M. Fogaing fait référence : « L’avenir du Québec passe par la citoyenneté et non les identités2 ». Cette affirmation a l’apparence de la rigueur et de l’évidence, mais le raisonnement de corrélation inversée entre la citoyenneté et l’identité est porteur de faussetés.

Certes, l’avenir du Québec passe par la citoyenneté. Il aurait été plus juste de vous en tenir à cela plutôt que d’y opposer les identités. Cela n’a ni l’intérêt de renforcer votre affirmation première ni celui de permettre d’élucider l’opposition entre les identités et la citoyenneté.

Parlons de citoyenneté. La citoyenneté a comme corollaire la reconnaissance de l’appartenance de facto comme de jure. Elle renvoie à la pleine possession et jouissance de droits et libertés et à la participation active à la vie d’un État. La citoyenneté engage donc des responsabilités de l’État, oui, de l’État, mais pas que de l’État.

Un effort incommensurable

Vous avancez que l’inclusion « exige une inversion du devoir d’intégration de nouveaux membres à un groupe ». Revendiquer les principes EDI ne nie pas l’effort individuel attendu de la personne immigrante.

Ces personnes déploient un effort incommensurable par leur action d’immigration et elles ne cessent d’en déployer une fois au pays pour assurer une vie digne. Le « devoir d’intégration », ces populations se l’exigent avant qu’il ne leur soit exigé par la société d’accueil.

Faire reposer ce fardeau sur l’individu est non seulement faux et irréaliste, mais est également porteur de violence dans ce que cela exige d’une personne qui souvent compose au quotidien avec des enjeux (dont la discrimination).

Ensuite, lier l’obligation d’intégration de l’individu à la notion d’immigration et d’accueil de « nouveaux membres » dans une société est un amalgame qui associe abusivement des groupes à des idées. Qu’en est-il des personnes nées ici qui ne connaissent que cette terre et qui ont des composantes identitaires différentes de la majorité ? Les considérerez-vous comme de « nouveaux membres » auxquels vous exigerez ce devoir d’intégration au groupe ?

Catégories

Parlons maintenant de ces maudites catégories qui « enferme[nt] les individus dans des groupes identitaires en fonction de leur "race", leur sexe, leur religion, etc. » (Ce dernier motif ne semble pas déranger, vous l’incluez dans les valeurs québécoises, n’est-ce pas une catégorie en soi ?)

Ensuite, vous énoncez que le principe de diversité « associe bêtement la diversité identitaire à la diversité de points de vue ». À votre place, je conserverais une petite humilité avant de formuler un énoncé qui remet en cause des conclusions probantes qui font consensus.

Catégoriser, c’est nommer les sources de discrimination. Ce n’est pas en faisant disparaître la catégorie race que le racisme n’existera plus.

Nommer les enjeux, c’est reconnaître les obstacles et l’effet différencié d’une mesure similaire sur différents groupes. Nommer, c’est ensuite mettre en place les mesures correctives qui rétablissent l’égalité des chances.

La finalité des principes EDI, c’est de mettre en place les conditions favorables à une égalité des chances dans la jouissance de droits civils, politiques et socio-économiques afin de favoriser la citoyenneté effective et active des Québécois.e.s. La finalité de l’équité, c’est la justice.

Les principes EDI n’ont pas pour but de « favoriser les identités que l’on estime plus opprimées et de discriminer les identités que l’on estime privilégiées ». L’oppression ne s’estime pas. L’oppression est l’acte d’opprimer et le fait de subir l’oppression. La corriger n’est pas un privilège, c’est un devoir et ce devoir repose sur la reconnaissance de ce qui la produit et l’alimente. Ces personnes opprimées vivent des obstacles auxquels les privilégiées, comme vous les nommez, ne font pas face. Certains sont systémiques, d’autres non.

In fine, je mets en doute l’utilité de la dichotomie Québec-Canada sur ces enjeux si ce n’est celle d’éveiller inutilement la flamme nationaliste sur des enjeux de droits fondamentaux pour polariser le débat. Les valeurs EDI sont ancrées dans nos systèmes juridiques canadien et québécois. Faut-il encore rappeler que la spécificité du Québec n’a pas nécessairement à être en opposition au Canada ? Faut-il encore dénoncer la fausseté de l’amalgame entre l’altérité identitaire et le modèle de nation québécoise ?

Quant à ce que vous prétendez édifier comme modèle québécois universaliste, c’est plutôt le modèle français républicain qui instrumentalise l’universalisme par une pseudo-unité qui est davantage une uniformité et qui légaliser la discrimination. Si vous dénoncez les modèles américain/canadien, comment pouvez-vous prétendre l’acceptabilité sociale du modèle français au Québec ?

Mettre des mots sur les maux, ce n’est pas se focaliser sur ce qui nous divise, c’est exiger les gestes nécessaires pour aspirer à un Québec juste, prospère et équitable qui unit par un projet de société.

1. Lisez le texte de Stephan Fogaing : « Équité, diversité et inclusion : l’enfer est pavé de bonnes intentions » 2. Lisez le texte de Stephan Fogaing : « L’avenir du Québec passe par la citoyenneté et non les identités » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion