En 2018, je proposais de subventionner à 100 % les écoles privées qui renonceraient à la sélection de leurs élèves.

Cette proposition était assortie d’une disposition qui reconduisait telle quelle la gouvernance de ces écoles et leur statut juridique : corporations à but non lucratif gérées par un conseil d’administration autonome, comme dans les CPE. Elle maintenait en place les mêmes organisations syndicales.

Ces écoles privées dites conventionnées et gratuites devaient aussi signer un engagement de cinq ans selon lequel elles partageaient les ressources humaines et financières avec les écoles du réseau public et s’assuraient de la représentativité des élèves du territoire dans la composition de sa population étudiante.

Les écoles privées qui refuseraient ces conditions ne recevraient plus alors progressivement de subvention de l’État.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le mouvement l’École ensemble a dévoilé son plan pour un réseau scolaire commun, qui vise à assurer l’équité des chances en éducation, le 9 mai dernier, à la Maison du développement durable, à Montréal.

Je proposais aussi que le réseau des écoles publiques multiplie la possibilité pour tous les élèves de s’inscrire dans des projets particuliers répondant à leurs talents et à leur motivation, et ceci, sans sélection fondée sur la performance académique. Je reprenais cette proposition tout récemment⁠1.

C’est essentiellement ce que nous propose à son tour le mouvement l’École ensemble dans son Plan pour un réseau scolaire commun⁠2.

Le Plan du mouvement l’École ensemble

Ce plan dévoilé depuis peu est plus solidement documenté que le mien, s’inspire du cheminement du réseau des écoles finlandaises et reçoit également l’appui de nombreux experts du monde de l’éducation. Il met aussi à profit les technologies cartographiques les plus récentes capables de redessiner nos territoires scolaires afin d’y assurer une mixité sociale et économique optimale.

Les partis politiques devraient désormais être jugés sur leur position concernant cet important enjeu de l’équité scolaire que défend le mouvement École ensemble.

Ils disposent désormais d’un plan unique, solide, crédible et indispensable sur lequel s’appuyer.

Utiliser efficacement l’énergie limitée des professeurs

Ce plan permettrait d’alléger le fardeau des enseignants du public qui se retrouvent devant des classes de plus en plus dépouillées de ces élèves performants qui tirent les autres vers le haut.

Plus l’exode des élèves les plus performants vers des écoles ou programmes sélectifs croît, plus le ratio des élèves présentant des besoins particuliers augmente dans leurs classes. Cela demande qu’une grande partie de leur énergie soit investie dans la gestion du climat social de leur classe plutôt que sur l’apprentissage de chacun de leurs élèves. Le risque peut alors passer d’un désir légitime et motivant d’assurer la réussite de tous leurs élèves à une préoccupation constante d’éviter le pire.

Les enseignants d’écoles privées peuvent témoigner de cette facette trop souvent mésestimée du climat social comme facteur de la réussite de leurs élèves.

Diminuer la pression des sélections

Cette réforme proposée par le mouvement l’École ensemble contribuerait aussi à réduire le stress associé à la sélection dans des écoles privées ou dans des programmes particuliers.

Ce stress contamine à la fois la vie des parents et des enfants. Pour les parents de classe moyenne, cela représente souvent un effort financier, ou un endettement, lourd à porter et une anxiété souvent envahissante devant le défi que représente le magasinage de l’école idéale (à leurs yeux) et la capacité de leur enfant d’y être admis. L’excellence scolaire dans l’esprit des parents est à ce point nichée dans les écoles sélectives que cela devient un élément de pression dès la fin du premier cycle primaire de leur enfant. Et même avant.

Cela n’est pas sans induire chez l’enfant un poids de plus en plus présent alors que le plaisir d’apprendre, de découvrir, de se développer devrait prendre toute la place à ce jeune âge.

Simplement : pour les enfants

C’est avant tout la communauté des enfants qui profiterait de cette réforme : des écoles de quartier intéressantes, performantes, attrayantes et toutes proches, des classes dont le climat porte les enfants au dépassement, une diversité d’options dans le choix d’apprentissages particuliers et un environnement scolaire qui échappe à la fracture de la sélection socioéconomique.

Il y a plusieurs années alors que je commençais à réfléchir à cette approche d’une école commune, un ex-ministre avec qui j’en discutais s’en scandalisait et me rétorquait : « Les écoles privées sélectives, c’est l’excellence ! Pourquoi se priver de l’excellence ? » J’aurais aimé alors avoir la présence d’esprit de lui répondre : « Pourquoi viser l’excellence dans seulement une minorité d’écoles ou de programmes ; cela manque tellement d’ambition. Il faut viser l’excellence pour chacune de nos écoles, pour chacun de nos enfants ! »

Lisez « Une réforme des écoles sélectives » Consultez le Plan pour un réseau scolaire commun Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion