Le premier ministre a modifié la charte sociale des années 1960, alors que s’y insère un État providence fondé sur un principe d’équité, notamment dans le soutien aux études des jeunes ou dans la rémunération des fonctionnaires.

François Legault se lance dans la vie active après une formation en comptabilité. Il devient subséquemment PDG d’Air Transat, qu’il quitte pour la politique en 1997 dans le gouvernement du Parti québécois. Il se charge de quelques ministères. Après un purgatoire dans l’opposition, il démissionne du gouvernement en 2009 pour y revenir en 2012 sous la bannière de la Coalition avenir Québec (CAQ). Il frappe le gros lot en 2018, où il devient premier ministre. L’homme connaît le monde des affaires et la politique. Mieux que quiconque, il sait comment construire un potentiel de sympathie qu’une opposition divisée ne parvient pas à faire chuter.

François Legault s’infère d’un nationalisme provincialiste à l’image de Maurice Duplessis, qui fut premier ministre du Québec pendant 18 ans, notamment de 1944 à 1959. Duplessis, dans ses assemblées populaires, remettait des pièces de 10 sous aux enfants.

Francois Legault, 70 ans plus tard, remet des « billets » de 500 $ aux familles québécoises. Comme Maurice Duplessis, François Legault arbore, aux yeux de plusieurs, l’image d’un sauveur face à la misère populaire, dans un Québec qui va de mal en pis.

La baraque dont il est ici question est la charte sociale lancée par le gouvernement de Jean Lesage dans les années 1960.

S’y insère un État providence fondé sur un principe d’équité notamment dans le soutien aux études des jeunes ou dans la rémunération des fonctionnaires. Ainsi, jusqu’au gouvernement Legault, quelles que soient les disciplines scolaires, chaque étudiant avait droit au même niveau de soutien boursier. En outre, les rémunérations versées aux fonctionnaires étaient issues d’un plan d’évaluation de la valeur des emplois considérés les uns par rapport aux autres.

Les principes d’avant ne tiennent plus

La pandémie a fait augmenter les charges de travail, spécialement en santé. Elle a accentué la pénurie d’emplois. François Legault a choisi d’intervenir selon un principe d’économie de marché. Son intervention a modifié l’équité antérieure des salaires et le soutien à l’éducation fondée sur des chances égales pour tous.

Plus de 70 000 infirmières sonnaient déjà le gong. Elles ont reçu une valorisation salariale oscillant entre 15 000 $ et 18 000 $ par année. Certes, les infirmières croient à bon droit la mériter, mais elles ne sont pas seules dans la fonction publique. Par exemple, la pénurie d’enseignants dans les commissions scolaires est elle aussi gravissime.

L’initiative de François Legault à l’endroit des infirmières brisait l’équilibre traditionnel des emplois considérés les uns par rapport aux autres. Mais plus que tout, elle gonflait le régime d’attentes des 430 000 fonctionnaires oubliés.

Ceux-ci évaluent probablement que ce qui valait pour les infirmières doit valoir également pour eux. Quant à l’inflation, elle mobilise tout le monde vers la protection du pouvoir d’achat dans un Québec qui risque l’appauvrissement collectif.

Dorénavant, les Québécois ne sont plus traités également face à leur choix d’études. L’étudiant qui évolue dans un domaine dit en pénurie reçoit un soutien financier nettement supérieur à d’autres disciplines. Des bourses sont accordées, après chaque session à temps plein, dans les programmes d’études visés. À l’ordre collégial, une somme de 1500 $ est versée chaque session, pour un total de 9000 $, dans un programme d’une durée prévue de trois ans. À l’ordre universitaire, une somme de 2500 $ est versée chaque session, pour un total de 15 000 $, dans un programme de trois ans et de 20 000 $ dans un programme de quatre ans.

Les Québécois qui n’étudient pas dans les disciplines choisies sont exclus. Au fond, tout peut s’acheter. Mais est-ce équitable ?

Les syndicats ont deux motifs majeurs de mobilisation. Le premier est de rétablir l’équilibre dans la rémunération des emplois. Le second est d’élever les salaires à un niveau susceptible de protéger le pouvoir d’achat de leurs membres. De cela surgit un front commun syndical en avril 2022. La politique de valorisation salariale annuelle de l’État équivalente à 2 % ne saurait suffire face à un écart inflationniste de 6 %.

Entre-temps, les baby-boomers, maintenant à la retraite, risquent de vieillir sans services adéquats compte tenu de la rareté de main-d’œuvre. Un grand affrontement entre les syndicats et François Legault se pointe à l’horizon sous la forme de grèves générales massives dans un service public déjà près de l’implosion. Sur le plan des valeurs, les Québécois n’ont jamais été autant divisés entre jeunes et vieux, entre pauvres et riches. Remettre le Québec sur les rails en post-pandémie avec des relations de travail confiantes, et une force active apaisée, est certes la prochaine montagne que François Legault devra gravir.

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