Le 14 mai, Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, a déposé le Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire 2022-2027 (PAGAC), 15 ans après le plan précédent (2004-2007) et trois ans après avoir tenu une consultation.

Malheureusement, son contenu est très décevant pour les organismes que nous représentons, eux qui composent les trois quarts du mouvement de l’action communautaire autonome : les 3000 organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS). Le PAGAC ne répond pas à leurs revendications financières ni structurelles.

Un gonflement comptable trompeur

La plupart des sommes du PAGAC avaient été annoncées dans le budget de mars dernier et leur présentation est trompeuse depuis ce temps, car le financement à la mission globale ne sera pas augmenté de 834,2 millions de dollars, comme claironné par le ministre et repris par les médias, et encore moins de 1,1 milliard de dollars. Ces chiffres constituent l’addition des sommes versées à chacune des cinq années, alors qu’il s’agit presque toujours de la reconduction du montant de l’an un, avec ou sans bonification ultérieure. C’est comme si le gouvernement cumulait le salaire, récurrent, versé aux membres de l’Assemblée nationale pour siéger durant quatre ans.

Il faut savoir que le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) pour la mission globale du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) représente actuellement 687 millions, et que les besoins supplémentaires s’élèvent déjà à 370 millions par année. Considérant cela, l’augmentation de 37,1 millions du PSOC pour 2022-2023 est famélique. Qui plus est, le montant plafonne à 40,1 millions à partir de l’an deux. En d’autres termes, les OCASSS recevront cette année une augmentation moyenne de 12 000 $, puis la moyenne figera à 13 000 $ pendant les quatre années suivantes.

Mais où est le MSSS ?

Le PAGAC ne prévoit rien de plus pour ces 3000 groupes que ces maigres sommes. Le ministre Jean Boulet ayant, selon nos informations, répondu aux demandes adressées par ses collègues. Celles du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, semblent avoir été très modestes, tant financièrement que structurellement.

En effet, le ministère de la Santé et des Services sociaux est particulièrement absent des 29 mesures annoncées, n’étant mentionné comme partenaire financier qu’en regard du financement à la mission globale et comme partenaire administratif que dans six autres mesures.

Nous nous expliquons très mal ce décalage de la part du ministère qui administre le plus important des programmes de soutien des organismes communautaires.

Si l’on peut se réjouir que le PAGAC ait fait une place importante au financement à la mission globale, les 24 autres mesures disposent rarement de sommes significatives, égrenant 42,3 millions pour l’année 2022-2023. Deux mesures font exception et se partagent la moitié de cette somme : 10 millions pour aider les groupes communautaires à soutenir les populations vulnérables lors de situations de crise (la COVID-19 étant citée comme exemple) et 13 millions pour les Carrefours jeunesse emploi du Québec, somme surprenante puisque la plupart des autres mesures disposent de moins de 2 millions pour couvrir un bien plus grand nombre d’organismes.

Des mesures structurantes absentes

Le PAGAC est totalement silencieux sur la manière de renforcer l’application de la Politique gouvernementale de l’action communautaire (2001) et sur des instruments qui permettraient d’atteindre l’équité de financement, comme l’instauration de seuils planchers ou de montants de base. Mais ce qui étonne encore plus est l’absence d’action ou de chantier de réflexion portant sur l’indexation annuelle des subventions, tant pour s’assurer que tous les programmes la prévoient que pour que son calcul soit basé sur la hausse des coûts de fonctionnement des groupes.

La faible indexation du PSOC met en évidence l’absence d’un important levier

Alors que la pénurie de main-d’œuvre et la rétention du personnel semblent préoccuper le ministre Jean Boulet, il n’a pas utilisé le PAGAC comme levier pour permettre aux groupes d’offrir de bonnes conditions de travail.

Le PSOC est l’un des rares programmes à indexer les subventions de fonctionnement, mais ne tenant pas compte de la hausse des coûts de fonctionnement des OCASSS, celui-ci en sort appauvri. En effet, il est basé, d’une part, sur l’Indice des prix à la consommation (IPC), alors que les OCASSS sont des employeurs et non des ménages consommateurs, et, d’autre part, il est en décalage avec la situation actuelle puisqu’il s’appuie sur une projection de l’IPC, issue de prévisions d’économistes du ministère des Finances.

L’annonce, 10 jours à peine avant le dépôt du PAGAC, qu’un taux d’indexation de 2,9 % sera appliqué aux subventions du PSOC est totalement inadaptée à la situation économique actuelle, l’IPC de mars étant de 6,7 %. En effet, l’indexation des subventions des OCASSS ne leur permettra pas d’assumer l’inflation. Uniquement pour les frais salariaux directs et indirects, un calcul rapide montre que l’indexation d’une subvention de 140 000 $ n’équivaudra qu’à 4000 $, soit à moins du tiers du montant qui sera nécessaire pour indexer les salaires selon l’IPC et couvrir les charges correspondantes. Quant au remboursement des frais de déplacement selon le kilométrage, ce n’est évidemment pas avec 2,9 % d’indexation qu’un OCASSS pourra rembourser les coûts de déplacements de ses membres et compenser leurs factures à la pompe à essence.

Alors que le PAGAC est censé viser l’amélioration des conditions de travail ainsi que l’attraction et la rétention du personnel, nous estimons que le ministre délégué Lionel Carmant ne peut laisser les OCASSS passer l’année courante avec une si faible indexation et nous l’invitons à chercher avec nous des solutions adaptées à l’inflation : à situation exceptionnelle, corrections exceptionnelles.

* Cosignataires : Jean-Pierre Ruchon, membre du conseil d’administration de la Table et du comité de coordination de la Campagne CA$$$H (Communautaire autonome en santé et services sociaux – Haussez le financement) et co-coordonnateur chargé de l’administration et de l’action sociopolitique du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec ; Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles ; Gaëlle Fedida est également bénévole et coordonnatrice aux dossiers politiques pour l’Alliance des maisons d’hébergement de deuxième étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale.

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