Alors que plusieurs secteurs de l’économie peinent à recruter et à retenir les talents, l’agriculture fait face à un défi supplémentaire : la capacité de payer.

Dans les fermes qui pratiquent une agriculture diversifiée et la mise en marché en circuit court, l’attrait du travail en plein air, des tâches variées qui ont du sens et de la proximité du vivant n’arrivent plus à compenser les bas salaires offerts. Ainsi, plusieurs fermes qui souhaiteraient offrir des emplois dynamisants pour leur communauté se résignent à « importer » de la main-d’œuvre étrangère captive1 et à trouver des solutions, souvent moins qu’idéales, pour les loger à la campagne.

Comment expliquer que les personnes travaillant en agriculture gagnent, dans la portion supérieure de la fourchette des salaires, 21 $ l’heure (médiane de 16 $) alors que le salaire offert pour un manœuvre en construction est plutôt de 34,13 $ l’heure (médiane de 23,50 $) ?

La pénibilité et les compétences associées à ces emplois sont pourtant comparables et les besoins qu’ils comblent, se nourrir et se loger, sont tout aussi essentiels. La différence fondamentale entre ces deux corps de métier est la mobilité des ressources : alors que l’on arrive aisément à importer nos fruits et légumes, importer une maison est une autre paire de manches. Le syndicalisme du milieu de la construction a jusqu’ici évité que cette industrie ne puisse faire appel aux travailleurs étrangers temporaires, ce qui viendrait forcément niveler vers le bas les conditions de travail et les salaires du secteur.

Les productions agricoles sous gestion de l’offre (volailles, lait, œufs) sont épargnées par cette impasse financière puisque le marché domestique leur est acquis ; des tarifs douaniers prohibitifs empêchent l’importation de ces denrées au Canada. Or, les accords de commerce internationaux ne permettent pas de proposer de nouvelles mesures protectionnistes qui permettraient de demander un juste prix pour les autres aliments qui seraient produits ici dans le respect des travailleuses, des travailleurs et de l’environnement. Pour assurer la poursuite et le développement d’une agriculture durable, au service du développement des régions, nos gouvernements devront soutenir les fermes qui, pour l’instant, se battent contre la précarisation mondialisée des conditions du travail agricole.

Lisez l’article d’Ariane Krol « Main-d’œuvre agricole temporaire : les permis fermés briment des travailleurs étrangers à bas salaire » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion