Le compte à rebours est commencé. Le plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) stipule sans équivoque que les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) doivent être plafonnées d’ici 2025 et avoir baissé d’au moins 43 % d’ici 2030. Il exige aussi de mettre fin aux subventions destinées au secteur des combustibles fossiles et de diminuer significativement la consommation d’énergies fossiles. Dans la volonté d’un changement global, il recommande aussi de changer la façon dont on s’alimente. La « sobriété » devrait maintenant guider nos choix.

Au risque de déplaire à plusieurs, il faut instaurer des mesures qui affecteront notre portefeuille par de nouveaux outils fiscaux. Rappelons que l’inaction en matière de lutte contre les changements climatiques coûtera beaucoup plus cher que l’action climatique. En d’autres mots, il faudra mettre la main dans nos poches, mais si on attend encore, il faudra y piger encore plus profondément, au risque de laisser davantage de gens laissés-pour-contre.

En fait, dans le scénario où aucune action supplémentaire n’est prise face aux changements climatiques et à l’augmentation de la fréquence des évènements météorologiques, le Fonds monétaire international (FMI) estime que les pertes représenteraient 25 % du PIB mondial d’ici 2050.

Cependant, si la transition énergétique s’accélère dès maintenant comme l’exigent pratiquement tous les scientifiques de la planète, le Network for Greening the Financial System – un réseau de banques et d’autorités de surveillance en faveur d’une transition écologique du système financier international – estime que le PIB mondial baisserait de 2 % conformément à l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. Une transition plus lente pourrait toutefois plomber le PIB de près de 5 % d’ici 2050. L’équation est donc simple : plus on attend, plus cher coûtera le changement.

L’enjeu est mondial et le Québec est tout aussi concerné. Le GIEC demeure optimiste : il n’est pas trop tard pour agir. Alors diable, qu’attendons-nous ?

Cibler le portefeuille par des mesures d’écofiscalité

Pour modifier les comportements, il faut instaurer des mesures d’écofiscalité, parce qu’elles touchent un élément fondamental : notre capital. La fiscalité n’est pas neutre et elle ne l’a jamais été. L’État a recours à la fiscalité pour favoriser des comportements et pour en décourager d’autres. Par exemple, le gouvernement impose une taxe sur les produits du tabac afin de décourager sa consommation et éviter que d’autres personnes fassent le choix de ces produits nocifs pour la santé.

Il s’agit d’utiliser le même procédé pour accélérer l’atteinte de nos objectifs en matière de transition énergétique. L’écofiscalité vise à considérer la valeur du coût environnemental réel que les mécanismes du marché sont incapables d’intégrer et à modifier certains comportements dans le but d’atteindre des objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques. Malheureusement, le Québec et le Canada font piètre figure à l’échelle des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En effet, en 2018, les prélèvements écofiscaux du Québec s’élevaient à 6,5 milliards de dollars, soit environ 1,4 % de son PIB, alors que ces prélèvements n’atteignaient que 1,1 % du PIB canadien. La moyenne des pays de l’OCDE est plutôt de 2,3 %. Le Québec peut et doit faire mieux.

Les possibilités sont nombreuses : tarification routière, taxe à l’achat d’un véhicule énergivore, tarification sur les produits à usage unique comme le propose un nouveau règlement de la municipalité de Prévost, dans les Laurentides, baisse du prix des titres de transports collectifs, imposition de critères environnementaux dans tous les postes budgétaires de l’État, etc. Les idées ne manquent pas, il manque plutôt le courage politique.

Refuser l’écofiscalité comme autant d’autres actions visant à accélérer la transition, c’est refuser d’accepter la réalité. Gouverner ne signifie pas obtenir plus de votes aux prochaines élections, c’est prendre des décisions pour le bien-être collectif et celui des générations futures devant la plus grande menace pour l’humanité.

À l’aube des élections générales, la jeune génération n’a qu’un seul espoir : celui de voir leurs gouvernants prendre au sérieux les changements climatiques et agir en conséquence. L’écofiscalité est une solution à portée de main.

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