Alors que les Canadiens sont aux prises avec des taux croissants de violence armée, il est utile d’aborder certaines des questions primordiales qui continuent d’être déformées par les opposants au contrôle des armes à feu ainsi que par de nombreux élus.

En effet, l’une de nos principales préoccupations est le fait que la conversation autour du contrôle des armes s’est transformée en un débat « ou bien », c’est-à-dire « ou bien on investit dans la prévention, ou bien on contrôle les armes à feu ». C’est comme dire « ou bien on amène les gens à arrêter de fumer, ou bien on fait le dépistage du cancer ».

Et, comme la lutte contre le cancer, les différentes variantes de cette maladie nécessitent différentes mesures de prévention et différents traitements. L’approche de santé publique pour réduire la violence armée repose sur une approche multidisciplinaire qui comprend la prévention, la restriction de l’accès aux moyens et le colmatage des lacunes en matière d’application de la loi. La violence armée n’est pas un problème unidimensionnel, et sa solution ne l’est pas plus.

En revanche, le lobby des armes s’efforce de définir le problème comme étant uniquement motivé par des « criminels » utilisant des « armes illégales » et affirme que les crimes et la violence commis avec des armes à feu ne sont pas perpétrés par des propriétaires respectueux des lois.

Alors qu’il faut s’attaquer aux gangs et aux armes de contrebande, le problème ne se limite pas à la sphère illégale. La plupart des fusillades de masse sont commises par des propriétaires d’armes légales, et la plupart des suicides et des homicides commis par un partenaire intime impliquent des fusils de chasse. Pratiquement toutes les armes à feu illégales étaient à un moment donné légales, soit avant d’être détournées vers les marchés illégaux en étant volées, vendues illégalement ou importées illégalement.

La thèse selon laquelle là où il y a plus d’armes à feu, il y a plus de morts, de blessés et de crimes par armes à feu a été démontrée par les données de nombreux pays industrialisés.

Consultez des études sur les armes à feu (en anglais)

Nous et plus de 200 organisations partenaires sommes d’accord qu’il faut s’attaquer aux causes profondes de la violence. Mais, en même temps, la disponibilité des armes à feu signifie que les tentatives de suicide sont plus susceptibles d’être fatales, que les femmes sont plus susceptibles d’être tuées par leurs agresseurs, que le risque de fusillades de masse est accru et que c’est plus facile pour les gangs d’avoir accès aux armes à feu.

Recommandations

Quant aux solutions, nous sommes unis dans notre opposition au projet de loi C-21 qui a été déposé par le précédent gouvernement libéral, mais qui n’a pas été adopté. Les mesures qu’il contenait n’étaient pas fondées sur des preuves ou sur la consultation d’experts et étaient inefficaces et potentiellement même préjudiciables aux efforts visant à réduire la violence armée.

C’est pourquoi nous demandons au ministre Marco Mendicino de rejeter le projet de loi C-21 dans son intégralité et de développer un nouvel ensemble de mesures et d’interventions.

Ensemble, nous recommandons ce qui suit :

1) Assurer de nouveaux investissements substantiels pour un dépistage plus rigoureux des candidats, pour une meilleure application de la loi et pour une meilleure responsabilisation des autorités. Le gouvernement devrait d’ailleurs veiller à la bonne utilisation du système PIAF (« Personne d’intérêt – Armes à feu »), ce qui nécessite une formation continue des policiers pour bien alimenter le système et de sensibiliser le public aux risques réels associés aux armes à feu.

2) Renforcer les conditions liées à l’accès aux permis, dont les critères conduisant à une interdiction automatique de posséder des armes comme le fait de faire l’objet d’une ordonnance de protection associée à la violence intime.

3) Obliger la police et les autres autorités à intervenir en réponse aux préoccupations soulevées par les professionnels de la santé, y compris en cas d’urgence lorsque cela est justifié.

4) Changer le système de classification des armes de manière à prohiber toutes les armes d’assaut, dont les armes semi-automatiques à percussion centrale.

5) Éliminer toutes les échappatoires et exemptions liées aux limites de 5/10 balles pour les chargeurs.

6) Exiger un permis d’armes pour l’achat de chargeurs, comme il est obligatoire pour acheter des munitions.

7) Introduire des mesures pancanadiennes pour contrer la prolifération des armes de poing, notamment en gelant le nombre de permis pour des armes restreintes et en soumettant les armes existantes à des clauses « grand-père ».

8) À tout le moins, interdire l’importation et la fabrication de nouvelles armes de poing.

9) Supprimer l’obligation pour la police d’obtenir un mandat de la cour afin d’accéder aux registres des ventes commerciales.

10) Respecter nos obligations en vertu des traités internationaux, dont celui des Nations unies de 2008 sur le marquage et le traçage visant à réduire le trafic international.

11) Supprimer le délai de grâce de six mois en cas de non-renouvellement des permis.

12) Rétablir les permis de transport d’armes restreintes pour TOUS les déplacements (pas seulement 3,5 % comme en vertu de C-71).

13) Supprimer la limite de 20 ans pour la tenue des registres des ventes d’armes à feu (comme les États-Unis viennent d’annoncer).

Lisez une déclaration de la Maison-Blanche (en anglais)

Le gouvernement libéral a été élu lors de chacune des trois dernières élections (2015, 2019 et 2021) sur la base de promesses de renverser les torts causés par le précédent gouvernement conservateur et de renforcer la loi sur le contrôle des armes. Il est temps de mettre en place les contrôles auxquels la majorité des Canadiens s’attendent et de permettre enfin aux survivants et familles de victimes de tourner la page.

* - Nathalie Provost, Heidi Rathjen et Suzanne Laplante-Edward, porte-parole de PolySeSouvient
- Wendy Cukier, présidente de la Coalition pour le contrôle des armes
- Martha Jackman, membre du comité directeur national, Association nationale Femmes et Droit
- Ken Price et Claire Smith, coordinateurs, Danforth Families for Safe Communities
- Alan Drummond, porte-parole, Association canadienne des médecins d’urgence
- Boufeldja Benabdallah, porte-parole, Mosquée de Québec
- Maxime Riera, Shawn Leblanc et Benjamin Turgeon, porte-parole, mouvement étudiant NOT_HERE / PAS_ICI
- Luna Vadlamudy, porte-parole, Ensemble pour Thomas
- Louise De Sousa et Meaghan Hennegan, Familles associées à Dawson pour le contrôle des armes
- Alison Irons, ancienne agente de la GRC et mère de Lindsay Wilson, victime d’un fémicide par balle (1986-2013)

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