Chers professeurs,

Depuis les trois dernières années, je me suis joint à votre équipe en répondant présent à la pénurie. Ce fut une erreur, malheureusement !

Quand je lis vos commentaires et que je vois les réactions à la suite de commentaires comme ceux de Gregory Charles, j’ai du mal à comprendre votre frustration.

Vous savez, l’éducation appartient à tout le monde. C’est un projet de société. Chaque citoyen a le droit d’avoir des idées. Je n’en ai rien à cirer que les idées de la personne soient bonnes ou mauvaises. L’important, c’est qu’il y ait débat et discussion.

Je ne suis pas infirmier. Par contre, j’ai le droit de donner mon opinion et de trouver que le système de santé n’est pas optimal, non ? Parce que je ne paye pas lors d’une visite à l’urgence, je n’ai pas le droit de montrer du doigt les incongruités du système ?

La santé appartient à tout le monde, les travaux publics appartiennent à tout le monde et l’éducation aussi. Oui, vous avez le droit, et c’est votre droit. C’est le début de quelque chose et c’est ce qu’on appelle l’action citoyenne.

Pourquoi s’insurger quand quelqu’un donne des idées et qu’il ne vient pas du milieu ? Pour penser en dehors de la boîte, souvent, ça va prendre quelqu’un qui vient d’en dehors de la boîte. Hannah Arendt n’était pas enseignante, et pourtant, elle fut une des grandes à y aller de l’avant avec des critiques et des idées.

Nous sommes effectivement les acteurs les plus importants du système. Agissons-nous en ce sens ? Non ! Chers camarades, pour faire un vrai changement, il suffit d’arrêter de garder en vie le système du bout de nos bras. L’agonie est lente et douloureuse, et nous en sommes tous responsables en bonne partie. Au nom de qui gardons-nous sous respirateur ce système bureaucratique rempli d’absurdité ? Au nom des enfants, bien évidemment, mais que faisons-nous de ceux qui seront dans nos écoles dans vingt ans ? Dans cent ans ? Imaginez-vous les conditions des écoles, des services et de nos bras si rien n’est fait.

Nous enseignons l’entraide, la solidarité et l’ouverture sur le monde et c’est tout le contraire que je constate sur le terrain. Y a-t-il vraiment de l’entraide et de la solidarité, lorsque nous constatons le nombre de départs en début de carrière des jeunes enseignants et que la situation ne fait que s’empirer ? Poser la question, c’est y répondre.

Chacun fait à sa tête avec son autonomie professionnelle et j’ai rarement vu un professeur faire son vrai nombre d’heures, c’est difficile d’attirer le respect de quiconque dans ce cas. En faisant plus, nous faussons les vrais besoins et ensuite plusieurs tombent au combat, sur le long terme, ce n’est pas aider le système et les élèves malheureusement. Lorsque vient le temps d’évaluer les besoins, tout semble n’être pas si mal, par contre, ce n’est pas le cas. Par amour et par vocation, nous faisons en sorte que les conditions de travail et la notoriété de la profession se dégradent à une vitesse fulgurante. Entraide et solidarité, pas vraiment.

Nous détenons le vrai pouvoir et nous cherchons toujours à savoir pourquoi personne ne nous écoute. Who cares ?

En amour, c’est dans les petits gestes du quotidien que nous voyons la profondeur des sentiments, je crois que cette pensée peut s’appliquer à l’indignation envers le système scolaire et arrêter de compenser et d’ajouter de la lourdeur au système.

Est-ce qu’il y a une ouverture d’esprit ? Vraisemblablement non, car une personne extérieure donne des pistes de solution (bonnes ou mauvaises) ainsi que son opinion et nous nous refermons comme une huître en disant haut et fort : Pour qui se prend-il lui et pourquoi personne ne demande aux profs ? Prêcher par l’exemple, diront certains. J’ai fait beaucoup d’emplois avant de me joindre à vous, sachez que je n’ai jamais vu dans un autre endroit des employés qui acceptent tout comme nous le faisons. Avant de demander le respect d’autrui, il faut commencer par se respecter soi-même. Nous le méritons amplement et les enfants aussi.

Avant de penser à changer les choses en éducation et critiquer les gens qui donnent des pistes de solution (bonnes ou mauvaises), il faut s’interroger sur le rôle que joue l’État dans le cafouillis pédagogique. Le vrai coupable ce n’est pas Gregory Charles ou le professeur Tournesol qui fait 10 heures de plus sans être rémunéré, c’est celui qui nous bâillonne sans trop de résistance qui doit être montré du doigt. Dans les 60 dernières années, environ 30 ministres de l’Éducation se sont succédé en venant défaire ce que l’autre venait de faire. Une moyenne de deux ans aux commandes, ce n’est pas sérieux, chers élus. Connaissez-vous le mythe de Sisyphe de Camus ?

Nous sommes tous dans la même équipe, actuellement chacun tire de son côté et c’est l’élève qui finit sans couverture.

Le devoir de loyauté, c’est envers les enfants qu’il doit et qu’il devrait être, point final ! Si nous aimions vraiment nos enfants ?

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