Ancien joueur de la LNH, Joé Juneau a connu le héros. Isabelle Picard a pour sa part connu la légende.

Joé Juneau a connu le héros…

Guy Lafleur a été ma première idole à vie. Je me souviens de notre rendez-vous, à lui et à moi, chaque samedi soir des années 1970. C’était le joueur le plus rapide, avec le meilleur lancer, celui qui flashait le plus avec ses cheveux blonds. Une star. Non seulement c’était le meilleur, mais aussi c’était un gagnant avec tout ce que ça signifie, celui qui a aidé à remporter cinq Coupes Stanley.

Un soir, je devais avoir 7 ou 8 ans, mon père a dit que le numéro 10 était meilleur que les autres à cause de sa vitesse. J’ai compris que mon coup de patin serait important pour la poursuite de mon rêve, un rêve inspiré par mon idole. J’étais Guy Lafleur dans la rue, Guy Lafleur sur la patinoire avec les autres ti-culs de mon village.

À la boutique proshop de notre aréna, il y avait un poster de Guy Lafleur, qui était porte-parole des bâtons de hockey de marque Sherwood. Sur l’affiche, pourtant, il n’y avait pas de bâton de hockey. Le numéro 10 posait plutôt à la chasse au chevreuil. Je pense que c’est également pour ça, en tant que Québécois souvent issus de petits villages, qu’on se reconnaissait en Guy Lafleur.

J’ai eu la chance de jouer contre lui, une fois. C’était en 1986. Il venait de prendre sa retraite, sa première. Je faisais partie de l’équipe des Faucons du cégep de Lévis-Lauzon, collégial AAA. Un match avait été organisé entre notre équipe et d’anciens professionnels de la Ligue nationale de hockey. Guy Lafleur en était. J’avais 18 ans et je jouais contre le Démon blond, impressionné pendant les trois périodes de la partie. Flower était encore, et de loin, le plus rapide, si bien que nous ne comprenions pas pourquoi il ne jouait plus dans la Ligue nationale. Puis, il est revenu chez les Rangers, et enfin chez les Nordiques, chez nous. Il nous a rendus fiers.

Guy Lafleur se voulait, au-delà du hockey, humain. Il disait ce qu’il avait à dire, faisait face aux réalités difficiles et aux obstacles du mieux qu’il pouvait, comme nous tous. Il était notre ami, même pour ceux qui ne l’ont jamais rencontré.

Avant d’être quelqu’un d’autre, on a tous été Guy Lafleur.

Isabelle Picard a connu la légende…

J’étais très jeune à l’époque où Guy Lafleur jouait encore avec le Canadien. À vrai dire, je ne m’en souviens pas. J’ai par contre souvenir de l’avoir regardé quelques fois sur la vieille télé de mon grand-père à La soirée du hockey quand j’avais 4 ou 5 ans, la première période seulement. Mon grand-père n’aimait pas le Canadien, mais il savait reconnaître les grands joueurs, les grands êtres humains, comme Jean Béliveau et Guy Lafleur. C’est par lui que j’ai entendu ce nom pour la première fois, il me semble.

Puis, quand j’ai eu 9 ou 10 ans, une amie et sa famille m’avaient amenée dans un évènement de hockey mineur. Guy Lafleur était là. Il a serré la main de tous les membres de notre petit groupe, y compris celle de la fille maigrichonne un peu gênée dans le fond. Puis, je l’ai recroisé dans un restaurant de Québec dans le cadre d’une levée de fonds. Il m’a de nouveau serré la main. Je devais avoir 13 ans. Puis, encore, à 35 ans. Il était là, dans sa tente extérieure, à signer des autographes sous les - 25 °C, quelque part dans l’ouest de Montréal. Il a signé un poster pour mon fils.

Son don, la raison pour laquelle vendredi tout s’est arrêté collectivement pendant de longues heures, la raison pour laquelle il nous a fait sentir unis, une dernière fois, c’est qu’à chaque contact avec lui, Guy Lafleur nous faisait sentir comme si on comptait, comme quelqu’un qu’il voyait, quelqu’un qu’il voyait vraiment.

Je ne suis pas une spécialiste du hockey, mais la vie a fait en sorte que mon chum est un ancien joueur de la LNH et que mes deux garçons jouent au hockey depuis 10 ans. Les arénas, les rêves de hockey, je connais. Si vous demandez aux jeunes des noms d’anciens joueurs de hockey de la LNH, ils vous répondront Wayne Gretzky, Mario Lemieux et Guy Lafleur. C’est immanquable. Il fait partie de cette mémoire collective québécoise, et par-delà encore.

La légende transcende les époques et se crée par la somme de toutes ces petites actions que l’on fait et que l’on sème. Elle s’inscrit dans un mélange de réel et de merveilleux. Le merveilleux de Guy Lafleur, c’est de nous avoir fait rêver, de nous avoir fait nous sentir quelqu’un et de nous avoir unis, encore une fois.

Guy Lafleur était un ambassadeur, certes, mais au-delà du hockey, peut-être encore plus fort, un ambassadeur de l’être humain.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion