Il y a quelques semaines, l’Ontario annonçait des mesures visant à augmenter l’offre de toutes les catégories d’habitation dans le but de limiter les hausses de prix. Déjà, en février, un groupe d’experts pressait le gouvernement ontarien de doubler la production annuelle par la construction de 1,5 million de logements en 10 ans.

Le 1er avril dernier, dans le cadre d’une « matinée universitaire » de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), le professeur Jean-Philippe Meloche de l’Université de Montréal comparait les villes d’Atlanta et de San Francisco pour illustrer le lien direct entre la production d’unités résidentielles et le prix de celles-ci. Avec l’explosion des coûts de construction à la suite de la pandémie, les effets du déséquilibre actuel entre l’offre et la demande appellent une action ciblée et urgente.

Le récent budget fédéral ajoute des fonds pour favoriser la réalisation de nouvelles unités. C’est bien, mais cela ne suffira pas pour résorber le déséquilibre entre la demande et l’offre. Par ailleurs, les nouveaux incitatifs pour les premiers acquéreurs prévus au budget viendront exacerber les effets du déséquilibre en accroissant la demande.

Le seul moyen structurel permettant d’endiguer l’augmentation des prix consiste à ajouter plus d’unités de logement.

La responsabilité des villes

À l’exemple de l’Ontario, les villes québécoises doivent favoriser le développement. Elles doivent d’abord passer d’une réglementation de contraintes à une réglementation facilitant la réalisation de projets avec un nombre suffisant d’unités de manière à justifier des services de proximité. L’objectif est de combler le déficit d’offre dans toutes les gammes d’habitation, incluant, évidemment, la réalisation de logements sociaux.

Ensuite, elles doivent corriger la lourdeur administrative, notamment en fixant un délai maximal pour l’étude des demandes et des autorisations ainsi qu’en favorisant une procédure d’analyse en simultané plutôt qu’en étapes successives. Cet objectif de simplification pourrait aussi viser la conversion de certains immeubles de bureaux à des fins d’habitation.

Enfin, les autorités municipales doivent assumer le leadership nécessaire pour appeler et soutenir des projets de densification. Cela peut se faire tout en prenant soin de prévoir les parcs, les voies piétonnes et autres installations publiques qui rendront le quartier attractif. À titre d’exemple, à Montréal, on peut penser à Blue Bonnets et Bridge-Bonaventure comme des occasions à ne pas manquer pour créer des quartiers aux usages mixtes et suffisamment denses pour soutenir une vie de proximité.

En un mot, pour agir sur la pénurie et ainsi contribuer à restreindre la poussée inflationniste des coûts des logements, les autorités municipales doivent devenir des championnes de la « densité heureuse ».

À l’heure du « pas dans ma cour », il est vrai que cela prend une bonne dose de courage. Sans ce leadership assumé, on aura bien des discours, mais peu de résultats.

Un financement national à la hauteur des besoins sociaux

Les premiers touchés par la pénurie de logements et l’explosion des prix sont évidemment les clientèles les plus vulnérables. Malgré tout ce que les villes peuvent faire pour augmenter la cadence de production, le problème du sous-financement des logements sociaux et abordables doit être résolu une fois pour toutes. À cela, il faut ajouter une préoccupation grandissante : fournir un toit aux sans-abri. Cela relève du gouvernement du Québec en raison de sa responsabilité en matière sociale et d’habitation.

L’Union des municipalités du Québec indiquait en début d’année la nécessité de construire un minimum de 4500 logements sociaux et 13 400 logements abordables par année. Québec doit en prévoir le financement.

Avec un financement national à la hauteur des besoins, les villes n’auront pas à imposer des redevances foncières qui gonflent les prix. En multipliant les unités, l’équilibre entre l’offre et la demande évitera l’emballement de la surenchère et tous en profiteront, en commençant par les premiers acquéreurs. Enfin, ce grand chantier permettrait de répondre aux besoins de nos concitoyens plus vulnérables et leur offrirait une place dans l’ascenseur social.

La campagne électorale pour lancer un chantier de l’habitation

La campagne électorale qui s’amorcera bientôt ne pourra ignorer l’explosion des coûts du logement. La volonté d’adopter une politique ambitieuse en habitation et l’intention de s’y consacrer en collaboration avec les villes doit être un des éléments centraux de cette campagne.

La priorité des décideurs publics doit être de faciliter la réalisation d’un plus grand nombre d’unités. Aujourd’hui, pour équilibrer l’offre et la demande, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec indique qu’il faut construire 100 000 logements de toutes sortes, privés, locatifs et sociaux. Pour viser un équilibre d’ici 10 ans, il faudrait ajouter 10 000 logements aux 50 000 construits annuellement. Dans un contexte où il manquera en moyenne près de 20 000 travailleurs par année au cours des 10 prochaines années, selon l’Association de la construction du Québec, le défi sera de taille.

Le prochain gouvernement du Québec doit s’engager à lancer avec les municipalités et les acteurs du milieu un véritable chantier d’habitation dont les premières mesures devront être mises en œuvre et financées dès le budget de 2023.

* Cosignataires : Philippe Marsan, président de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec ; Jean-François Arbour, président de l’Association de la construction du Québec ; Benoit Ste-Marie, directeur général de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec

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