Le Parti libéral du Québec (PLQ) traverse actuellement une période difficile : il ne parvient pas à se redéfinir de façon convaincante et cohérente. Si le parti ne sera pas rayé de la carte aussi facilement que certains le laissent entendre, son avenir repose néanmoins sur sa capacité à renouveler son ADN politique.

La résilience politique du PLQ

Le PLQ est la seule formation politique qui, depuis 1867, a toujours bénéficié d’un contingent conséquent de députés à Québec (l’exception étant la maigre récolte de huit députés lors de l’élection de 1948, sous le leadership d’Adélard Godbout). Sur les 42 élections générales provinciales tenues depuis 155 ans, le PLQ a formé le gouvernement à 24 reprises.

Cela s’explique en bonne partie par la capacité du parti à s’adapter aux circonstances changeantes. Il a su se réaligner aux moments opportuns, et ainsi actualiser son discours pour offrir aux électeurs l’option partisane la plus convaincante.

Les réalignements

L’une de ces phases de réalignement s’opère avec l’élection en 1960 de Jean Lesage et son « équipe du tonnerre », alors qu’un PLQ nationaliste et interventionniste fait entrer de plein fouet la Belle Province dans une phase de modernisation : la Révolution tranquille.

Deux décennies plus tard, sous le leadership de Claude Ryan, le PLQ entreprend d’offrir une réponse articulée et authentiquement fédéraliste, consacrée dans ce qu’on appela le « livre beige », au projet indépendantiste porté par René Lévesque.

L’esprit décentralisateur et réformateur du livre beige sera ensuite transposé en une liste de demandes précises du gouvernement libéral de Robert Bourassa lors des rondes constitutionnelles de Meech (1987-1990) et Charlottetown (1992), visant à ce que le Québec signe la Loi constitutionnelle de 1982.

C’est d’ailleurs sur les cendres de l’accord du lac Meech que Bourassa affirme : « Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement. » Dans la foulée de cette déclaration, le PLQ développa sa pensée autonomiste et fédéraliste avec le rapport Allaire en 1991 (Un Québec libre de ses choix), puis avec le rapport de Montigny en 1996 (L’identité québécoise et le fédéralisme canadien).

En retrouvant le pouvoir en 2003 avec Jean Charest comme chef, le PLQ transpose sa vision en action, sous le leadership du député de Chapleau et professeur de droit constitutionnel, Benoît Pelletier. En présidant à la création du Conseil de la fédération, le duo Charest-Pelletier voulait doter le Canada d’un forum où les partenaires provinciaux de la fédération pourraient établir un front commun pour s’opposer aux visées centralisatrices d’Ottawa et forcer le gouvernement central à négocier plutôt qu’à dicter.

Du livre beige au livre bleu

L’ancien premier ministre Philippe Couillard n’est pas perçu comme un homme d’État visionnaire, de la trempe des Lesage, Ryan ou Bourassa. Il a su néanmoins renouveler le discours fédéraliste de son parti, en s’appuyant sur le leadership de son ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier, et sur l’expertise du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. C’est ainsi qu’en juin 2017, voit le jour la Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes, Québécois, notre façon d’être Canadiens, que le sociologue Simon Langlois a baptisé le « livre bleu ».

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Philippe Couillard, ancien premier ministre du Québec

Cette Politique voulait rouvrir le débat constitutionnel canadien et permettre que le Québec donne son assentiment à une Constitution qui reconnaîtrait pleinement sa spécificité. Même si le premier ministre canadien Justin Trudeau en a rejeté d’emblée l’esprit, sans même l’avoir lu, c’était un effort louable de se repositionner face à l’épineuse question du renouvellement du fédéralisme au Canada. C’était aussi essentiel, vu la montée dans les sondages d’une autre force fédéraliste et résolument autonomiste, la Coalition avenir Québec (CAQ).

L’ennui, c’est que le livre bleu est un document gouvernemental, qui avance une vision fédéraliste dont le PLQ n’a pas le monopole. D’ailleurs, depuis son arrivée au pouvoir en 2018, le gouvernement de la CAQ emprunte une grammaire fédéraliste très similaire à celle du livre bleu, et on le sent même davantage sincère dans sa démarche. Le livre bleu ne peut donc pas fonder l’identité politique originale du PLQ.

Le PLQ sous Dominique Anglade

En pleine première vague de la COVID-19, Dominique Anglade est élue cheffe du PLQ par acclamation. Cette conjoncture n’a guère permis de confrontation des idées et de créer un momentum autour du nouveau leadership. Aussi, le « Parlement pandémique » n’a pas donné l’occasion à Mme Anglade de s’imposer comme première ministre en attente.

Mais le problème est plus grave encore. Certes, la cheffe libérale a tenté de renouveler le positionnement fédéraliste, nationaliste et pluraliste du PLQ1. Cela n’a pas soulevé les passions. Surtout, cela n’a pas permis de bien distinguer en quoi son fédéralisme se différencie de celui de la CAQ, ni son pluralisme de celui de Québec solidaire.

Le PLQ court ainsi le risque d’apparaître comme insignifiant politiquement, d’autant plus que sa cheffe semble naviguer idéologiquement au gré des sondages. La volte-face de la semaine dernière, où Mme Anglade exigea de reculer face à un amendement que son propre parti avait fait adopter dans la foulée de la réforme de la loi 1012, illustre la situation.

Si Mme Anglade veut être autre chose qu’une cheffe de transition, elle devra à son tour redéfinir les termes de l’ADN politique du PLQ et répondre de manière convaincante aux défis actuels. Mais c’est peut-être déjà trop tard…

1. Lisez une lettre de Dominique Anglade à propos du positionnement fédéraliste, nationaliste et pluraliste du PLQ 2. Lisez l’article « Réforme de la loi 101 : Dominique Anglade recule sur un amendement controversé de son parti » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion