Le 27 mars dernier, j’ai lu une chronique dans La Presse sur l’éducation sexuelle des enfants au primaire1. La chroniqueuse Rose-Aimée Automne T. Morin écrivait sur le programme implanté dans les écoles primaires du Québec. J’ai été agréablement surprise par ce que j’ai lu. Surprise, parce que je ne connais pas du tout la même réalité.

Je ne suis ni une spécialiste, ni une journaliste, ni une adulte qui aurait une quelconque crédibilité. Je ne suis qu’une fille de 16 ans qui aimerait comprendre. Comprendre pourquoi, après cinq ans passés dans une école secondaire, je n’ai assisté qu’à un maximum de quatre cours d’éducation sexuelle. Je suis enchantée que nous éduquions les enfants sur le consentement et les différentes réalités familiales, mais devrions-nous nous contenter de cela ?

En parlant de consentement, je suis prête à parier qu’il n’y a pas une fille de mon âge à Montréal qui ne connaît pas au moins une histoire. Une histoire de – pour ne pas dire d" agression sexuelle – comportements déplacés qui ont mis mal à l’aise une adolescente qui s’en souviendra pour le reste de sa vie. Il est donc d’autant plus important que nous apprenions aux enfants la notion de consentement, mais nous, adolescents et adultes, n’avons pas eu accès à une telle éducation. Pourtant, nous sommes les acteurs de cet enjeu de société.

Comment expliquer que les jeunes qui vivent leurs premières expériences romantiques et sexuelles ne reçoivent que très peu, sinon pas du tout, une éducation sexuelle ? Tout cela sans parler des réalités de la communauté LGBT qui ne sont pas connues ni enseignées.

Dans ma classe seulement, il y a au moins trois personnes qui ne sont pas cisgenres, c’est-à-dire qui ne s’identifient pas au genre qui leur a été attribué à la naissance. Trois dans une seule classe, ça pourrait paraître beaucoup, mais c’est ma réalité et celle des jeunes qui m’entourent. Nous savons utiliser correctement les pronoms, nous savons que quand une personne est en couple, ça ne veut pas nécessairement dire qu’elle est hétéro ou gaie.

Nous savons surtout que ceux d’entre nous qui font partie de la communauté LGBT vont vivre de la discrimination parce que nous ne recevons aucune éducation sur le sujet.

Je n’accuse pas les enseignants, je n’accuse pas la direction, je n’accuse pas le gouvernement. Je fais part d’un problème qui existe et qui pèse. Je ne crois pas qu’il y ait un responsable, que des gens soient de mauvaise foi. Pourtant, je ne crois pas qu’il soit normal que je doive éduquer mon père enseignant sur la réalité de ses élèves de la communauté LGBTQIA+ parce qu’il n’a reçu aucune formation sur le sujet. Je ne crois pas que la seule raison pour laquelle j’ai pu lui donner des cours en urgence devrait être parce que j’ai regardé Sex Education, que j’ai des amis trans et que je me suis informée sur l’internet.

Je ne suis pas la seule à être au courant du manque d’éducation sexuelle au secondaire. L’année dernière, en pleine pandémie, le conseil d’élèves de mon école a formulé un merveilleux projet pour pallier les lacunes du programme. Le concept était simple : un groupe d’élèves de cinquième secondaire formés par un organisme donnerait des ateliers aux élèves de 3e et 4secondaire. Un forum de discussion anonyme serait créé pour répondre aux questions de ceux qui ne voulaient pas les poser en public. Des spécialistes seraient présents à l’école le plus souvent possible. Je ne sais pas où en est ce projet aujourd’hui. A-t-il été abandonné ? Est-il sujet à des discussions interminables ? Je n’en sais rien.

Ce que je sais en revanche, c’est que je recevrai mon diplôme d’études secondaires dans moins de trois mois et que je n’ai toujours pas reçu une éducation sexuelle adéquate.

J’aurais pu parler de tellement plus. J’aurais pu écrire sur le fait que les toilettes non genrées à l’école sont très rares, sur le fait que le plaisir féminin est méconnu parce que personne n’en parle, sur le fait que les douleurs menstruelles sont encore un sujet tabou. Je m’en tiendrai à ça : à quoi ça sert d’éduquer les enfants de moins de 10 ans sur la notion consentement et les différentes réalités familiales si les adultes d’aujourd’hui et de demain ne les connaissent pas, non par mauvaise foi, mais par manque d’éducation ?

Lisez « Les enfants, leurs profs et la diversité sexuelle »
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