Aujourd’hui, on perd une collègue. Aujourd’hui, on perd une employée. Aujourd’hui, on perd une intervenante en qui les usagers avaient confiance. Aujourd’hui, on perd une amie.

Voici la triste réalité des organismes communautaires. Une réalité à laquelle aujourd’hui, en tant qu’organisme, Alter Justice est confronté. Nous perdons un morceau de l’organisme, une intervenante en or, parce que nous n’avons pas le financement pour la garder.

Tristesse. Colère. Désarroi. Épuisement.

Tant d’émotions négatives à la fois qui auraient pu être évitées si les gouvernements reconnaissaient le travail que nous faisons chaque jour.

Nous avons un beau problème à notre organisme : nous recevons de nouvelles demandes chaque jour. Beau problème, oui, mais seulement si nous sommes capables d’y arriver. Nous arrivons à peine à garder la tête au-dessus de l’eau.

Avec le départ de notre collègue, nous serons submergés par une nouvelle vague, essayant de nager encore plus fort que nous le faisons déjà, encore plus épuisés que nous le sommes déjà.

Nous ne sommes pas un organisme qui aide les jeunes en difficulté. Nous ne sommes pas un organisme qui aide les victimes de violence conjugale. Nous sommes un organisme qui aide une clientèle que la société discrimine, rejette. Ironiquement, nous nous faisons discriminer, car nous aidons cette clientèle discriminée. Et pourtant, notre mission est de favoriser cette même réhabilitation qu’on scande en grande pompe et qu’on met à mal de toute sorte de façon. Nous aidons à rendre la société plus juste et sûre en diminuant les risques de récidive criminelle. On nous dit merci et « ciao les tartelettes » pour du financement.

Recherche, appel de projets, refus. Recherche, demande de financement, refus. Recherche, appel de projets, refus. Recherche, demande de financement, refus. Voici à quoi se bute notre organisme chaque année, pour essayer de survivre avec les demandes grandissantes. Bien entendu, nous avons des réussites, sinon, notre épave échouée aurait déjà été retrouvée. Mais ces réussites ne sont pas aussi nombreuses que les refus.

Tristesse. Colère. Désarroi. Épuisement.

Des émotions auxquelles nous sommes confrontés toutes les fois que nous recevons une réponse négative à la suite d’un appel de projets ou une demande de financement.

À la Ville de Québec, l’article 2.1.2 de la Politique de reconnaissance des organismes à but non lucratif prévoit que « les organismes qui ont pour principale mission […] [l]e soutien ou l’accompagnement de personnes aux prises avec une dépendance ou judiciarisées » ne sont pas admissibles à la reconnaissance [de la Ville].

Cet article parle de lui-même : discriminé à aider les discriminés, même si le gouvernement provincial reconnaît notre organisme. Pourquoi la Ville ne peut (ou ne veut) pas en faire autant ?

Au niveau du gouvernement du Québec, nous avons vu une augmentation au budget pour les organismes communautaires. Mais cette augmentation est nettement inférieure à ce dont nous avons besoin. Il est estimé qu’afin de bien réaliser leur mission, les organismes au Québec ont besoin de 460 millions de dollars de plus par année de façon récurrente. Et les annonces du dernier budget offrent un maigre 25 % de ce qui est demandé.

Au niveau fédéral, on lance un projet de financement « caché » pour aider les organismes qui offre de l’aide pour la demande de pardon, sans qu’aucune instance nous en fasse mention, bien que nous soyons un organisme national reconnu. Résultat ? Avec un délai d’à peine un mois pour déposer une demande, sous un nom obscur, elle nous a glissé entre les doigts. Appel, courriel, rien à faire : on nous refuse de présenter une demande. Et c’est quand on a une réponse.

Voilà la sombre réalité du communautaire, où nous devons nous battre avec les différents ordres du gouvernement pour avoir des conditions de travail qui ont du sens, tout en se battant à défendre les droits de nos usagers et à leur donner un service à la hauteur de leurs besoins.

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