Les nombreux rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le reconfirment : alerte rouge pour l’humanité ! Chez nous, le sud du Québec se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. Pourtant, les décisions de nos gouvernements ne reflètent pas cette urgence.

  1. Budget du Québec, 2022 : augmentation des investissements routiers et diminution des mesures incitatives pour l’électrification des véhicules automobiles. Dans le plan de près de 8 milliards de dollars, money talks : plus des deux tiers des sommes sont destinées à la construction et à l’entretien de routes. Or, plus de routes égalent plus de circulation et de pollution.
  2. Ottawa réitère le choix du TGF (train à grande fréquence) par rapport à celui du TGV (train à grande vitesse) : le ministre des Transports, Omar Alghabra, a annoncé, au début de mars, que le privé serait dans le siège du conducteur pour la réalisation du train Québec-Windsor. Facture inconnue, neuf mois après l’annonce en grande pompe à Québec, l’investissement prévu de 6 à 12 milliards ne tient plus la route, selon le ministre. Question : à combien s’élèveront les subventions pour combler les déficits annuels du TGF si la clientèle n’est pas au rendez-vous ?
  3. Ottawa et le plan de réduction des émissions pour 2030 dans les transports, 29 mars 2022 : le plan proposé se dit ambitieux et reconnaît l’importance du transport collectif pour atteindre les cibles. Or, dans le corridor le plus populeux du Canada (Québec-Windsor), le TGV, et non le TGF, s’avère le meilleur choix pour optimiser le transfert modal et réduire les gaz à effet de serre (GES) rapidement.

Cibler l’auto

La lutte aux changements climatiques, c’est favoriser une mobilité durable en priorisant l’électrification des transports collectifs, privés et publics ! C’est aussi miser sur le report modal de l’avion et de l’auto vers le train. Les transports en 2019, c’est 43 % de l’ensemble des GES au Québec : le transport routier en représente 80 %, l’auto et les VUS comptant pour 63 % de ces émissions. La meilleure façon de réduire les GES, c’est de cibler l’auto !

Avec le TGF, ce ne sont pas des gains de 30 minutes qui vont modifier le comportement des voyageurs sur le tronçon Montréal-Québec ou de 45 minutes sur celui de Montréal-Toronto (plus de 80 millions d’autos/an sur le tronçon Québec-Windsor et 4,5 millions de passagers aériens avec une population de 20 millions de personnes, soit le troisième corridor en Amérique du Nord). Pour avancer, le choix du TGV s’impose (1 heure pour Montréal-Québec et 2 heures, Montréal-Toronto). L’économie de temps en faveur du TGV est irréfutable : pour le lien Londres-Paris avec Eurostar, le temps de trajet est moins de 3 heures 24 min ; Bruxelles-Paris, c’est une économie de 2 heures 39 min. Les études montrent qu’avec une liaison ferroviaire à deux heures, la part de l’avion s’effondre ! Stéphane Rapebach, de Ouiigo (SNCF), le confirme : « Sur la ligne Paris-Bordeaux, 90 % des trajets s’effectuent en TGV. Notre moteur, c’est aussi de réaliser le transfert entre la route, polluante, et le train. » Une recherche (Dobruszkes, Dehon et Givoni, 2016) sur les liaisons entre 161 villes européennes confirme que plus la ligne à grande vitesse est rapide entre deux villes, plus le trafic aérien est faible et plus les automobilistes délaissent la voiture.

Un rapport (2016) du gouvernement de l’Ontario, signé David Collenette, ex-ministre fédéral des Transports, confirmait que plus de 10 millions de passagers par année utiliseraient le TGV entre Windsor et Toronto à moyen et long terme (actuellement, c’est moins d’un million avec VIA).

Chaque tonne de CO2 que le réseau de TGV créerait pour combler ses besoins en alimentation électrique, il éliminerait plus de 20 tonnes d’émissions de CO2 du réseau routier. Sur le tronçon Québec-Windsor, avec un TGV, on estime un retrait de plus de 12 millions d’autos. Sur la ligne Paris-Bordeaux, le report modal de l’auto et de l’avion vers le TGV s’est traduit par une économie respective de 9000 et de 79 000 tonnes de CO2 par année (« Le rail face à l’urgence climatique », Hémisphère gauche, 2021). Un TGV à deux voies transporte 13 % plus de voyageurs à l’heure qu’une autoroute à six voies, exige 40 % moins de terres avec un entretien et une dégradation moindres.

L’économiste américain Nordhaus, prix Nobel 2018 pour ses travaux sur les changements climatiques et ses impacts sur l’économie, établit un coût social des GES d’environ 275 $ par tonne de CO2. Sur cette base, la liaison aérienne Montréal-Toronto coûte à la planète environ 275 millions de dollars par année ! Avec le report modal de l’avion vers le TGV, cela équivaudrait à un gain annuel pour la planète de quelque 140 millions de dollars.

J’invite les premiers ministres François Legault et Doug Ford à se saisir du projet structurant de TGV, à contrer le choix du TGF afin d’accélérer la transition écologique pour « un air pur et une économie forte ». Le TGV constitue la meilleure option au transport aérien et routier et plus efficace que le TGF pour optimiser le report modal. Il est 20 fois moins polluant que l’avion et 10 fois moins que l’auto !

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