Un budget présenté à quelques mois des élections s’avère, par définition, un budget électoral. Dans ce contexte précis, la question qui s’impose est claire : est-ce que le quatrième budget déposé par le ministre des Finances, Eric Girard, a cédé à la tentation de l’électoralisme ? Malgré les critiques sur le « chèque » de 500 $ remis dès cette année, le ministre et son gouvernement y ont, dans l’ensemble, assez bien résisté.

Le crédit d’impôt remboursable de 500 $ versé à 6,4 millions de Québécois peut être critiqué pour trois raisons. D’abord, une telle injection de liquidités dans l’économie risque d’accroître la consommation, et donc ajouter des pressions inflationnistes à une inflation déjà très élevée. Ensuite, cette généreuse mesure coûtera 3,2 milliards de dollars, une très importante somme compte tenu du déficit de 7,5 milliards encouru en 2021-2022. Finalement, une telle somme aurait pu être mieux ciblée et se limiter à aider les 3,3 millions de personnes à plus faible revenu qui bénéficient du crédit d’impôt pour la solidarité.

Cela étant dit, céder aux multiples demandes de gel des tarifs d’hydroélectricité, de réduction des taxes sur l’essence, de détaxation de certains produits de base ou de baisses d’impôts aurait eu des séquelles bien plus importantes. Les impacts de telles mesures sur les finances publiques seraient récurrents, alors que les pressions inflationnistes auront une échéance. De plus, ces mesures sont régressives, car les plus fortunés consomment davantage que les moins bien nantis et en bénéficieraient donc bien davantage.

Finalement, les tarifs d’hydroélectricité et les taxes sur l’essence sont déjà moins élevés que dans la plupart des juridictions nord-américaines, ce qui fait en sorte que nous consommons trop de ces ressources, une tendance qu’il faut renverser afin d’atteindre les objectifs d’efficacité énergétique et de réduction des gaz à effet de serre que le gouvernement du Québec s’est donnés.

Santé : les moyens d’agir

Les annonces dans ce budget représentent une enveloppe considérable de 22,3 milliards (sur six ans), une somme record, surtout dans un contexte où les soldes budgétaires sont toujours déficitaires sur l’ensemble du cadre financier. Heureusement, les interventions sont bien ciblées et sont destinées à des actions à plus long terme.

L’augmentation des dépenses en santé prévue dans ce budget est majeure : 8,9 milliards de dollars additionnels sont prévus sur la période allant de 2022-2023 à 2026-2027.

Cette somme représente 40 % des dépenses additionnelles annoncées dans le discours du ministre Girard. En 2024-2025, les dépenses en santé et services sociaux atteindront 59 milliards, soit 43,8 % des dépenses de l’ensemble des portefeuilles.

Ces dépenses majeures visent à améliorer un système de santé dont les carences et les dysfonctionnements ont été manifestes au cours de la pandémie. Reste maintenant à savoir si cette injection massive de fonds permettra au gouvernement d’atteindre ses objectifs de « rétablir le système de santé et de services sociaux » et de « rehausser les soins et les services à la population ».

Main-d’œuvre et environnement : on reste sur notre appétit

Les initiatives qu’on attendait pour atténuer les pénuries de main-d’œuvre qui sévissent dans plusieurs régions et secteurs ne se sont pas concrétisées. Des mesures pour accroître la rétention des travailleurs de 60 ans et plus, pour attirer et retenir davantage de talents internationaux et pour soutenir la formation en entreprise auraient été des plus utiles pour accroître notre potentiel économique et soulager un peu les entreprises déjà aux prises avec de grandes perturbations des chaînes d’approvisionnement.

Pour ce qui est de nouvelles mesures en environnement, il faudra attendre de voir la prochaine mouture du plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte 2030 (PEV), mais, a priori, rien n’indique un changement d’approche qui renverserait la vapeur et permettrait au Québec d’atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre établies. Il n’y a aucune intention non plus de commencer à intégrer les risques financiers de la lutte et de l’adaptation aux changements climatiques dans le budget. C’est dommage.

Un budget prudent

Malgré la forte croissance économique de 2021, celle des prochaines années est plombée par une inflation élevée, des enjeux dans les chaînes d’approvisionnement qui perdurent et des perspectives économiques qui s’assombrissent à cause de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dans ce contexte, on aurait pu espérer que la hausse des revenus présentée dans ce budget serve à devancer d’un an ou deux l’atteinte de l’équilibre budgétaire.

Cela étant dit, les marges de prudence intégrées à divers endroits dans le budget sont rassurantes et confirment que le gouvernement n’a pas utilisé toute la marge de manœuvre disponible pour faire basculer davantage de votes. C’est donc un budget qui s’écarte des politiques de saupoudrage et de multiplication de cadeaux qui peuvent caractériser les budgets qui précèdent les élections.

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