J’ai eu envie de raconter une de ces belles histoires qui se passent dans nos communautés. Parce que du beau, il y en a tout plein et que de temps en temps, ça fait du bien de s’y attarder. Une histoire simple de rêve, de persévérance et d’humanité. Ne dit-on pas que la beauté se trouve dans la simplicité ?

Noé-Mathias Bacon a 8 ans, presque 9, tient-il à préciser. Il vit dans la communauté innue de Mashteuiatsh, près de Roberval. Il est né avec l’arthrogrypose congénitale, une maladie qui se traduit par une raideur des articulations et une limitation de l’amplitude des mouvements des muscles. À l’échographie de sa mère, Néanne, on a décelé une anomalie. On lui dit alors que son enfant aurait les pieds bots. Ce n’est qu’à l’âge de 6 ans que Noé-Mathias a vraiment su ce qu’il avait. Il n’a jamais marché. Tous ses mouvements sont limités.

Noé tout court, comme ses amis l’appellent, aime le hockey plus que tout. Néanne dit que c’est le fan numéro un de ce sport, sans conteste. Noé voulait jouer au hockey. Le problème, c’est que la luge, le moyen utilisé normalement pour jouer au hockey dans les situations de handicap, ce n’était pas une option pour Noé à cause de la limitation du mouvement de ses bras. Mais Noé voulait malgré tout jouer au hockey. Il a un sourire large comme ça sur le visage dès qu’il est question de glace, de bâtons et de rondelles.

Cette année, la vie avait une belle surprise pour Noé. Au début des classes, son école, l’école Amishk, a décidé de proposer un programme de hockey pour motiver les jeunes, gars ou filles, à la persévérance scolaire par l’entremise du hockey. Parrainé par l’ancien joueur de hockey Joé Juneau, qui roule sa bosse dans les communautés autochtones depuis 2006, le programme de hockey scolaire de ce dernier a rapproché Noé de son rêve, jusqu’à le toucher du bout des doigts.

Noé est en 3e année. Malgré sa volonté évidente de participer au programme, on peut deviner que de nombreux obstacles se dressaient devant lui. Il lui fallait notamment de l’aide pour le transport vers l’aréna, l’habillement, le bon équipement et une rampe adaptée faite sur mesure pour que Noé puisse descendre sur la glace. Finalement, à la fin du mois de janvier, la rampe d’accès adaptée était prête. Malheureusement, au même moment, un bris à l’aréna a rendu la glace impraticable pendant deux semaines. Deux longues semaines où Noé-Mathias a dû attendre patiemment. Il sait déjà très bien faire ça malgré son jeune âge.

Finalement, à la Saint-Valentin cette année, comme dans un grand élan d’amour, Noé-Mathias a pu réaliser son rêve. Il a joué au hockey sur une « vraie » patinoire pour la première fois de sa vie.

Bien assis dans son fauteuil motorisé, Noé a mis la roue sur la glace. Pas question que l’intervenante qui l’accompagne chausse les patins, il voulait y aller seul, comme les autres. Cette journée-là, c’était lui, la vedette. Pendant l’entraînement, il a même compté son premier but avec les conseils des entraîneurs et d’un ancien joueur de la Ligue nationale de hockey de surcroît. Depuis, Noé n’a pas arrêté de demander à sa mère si elle pouvait louer la patinoire pour lui et ses amis. Il faut savoir que Néanne est aussi une joueuse de hockey. Ils y vont presque chaque semaine, me dit-elle. À croire que le hockey coule dans leurs veines à tous les deux. L’autre grand rêve de Noé-Mathias, c’est d’un jour voir jouer le Canadien, même si son équipe préférée du moment, ce sont les Sénateurs d’Ottawa.

Noé-Mathias est débrouillard. À l’école, il écrit à l’aide de son ordinateur et de sa souris. Il est pourtant revenu de loin. Il ne bougeait nullement à la naissance. Il a été bien entouré, suivi quotidiennement à l’école par son éducatrice spécialisée, inscrit dans un protocole de recherche qui l’amène vers les meilleurs spécialistes de la province plusieurs fois par année. Il va bien. Il fait tout pour être autonome et utilise l’humour pour que les autres se sentent bien. Il a un grand cœur et plein d’amis.

Voilà ce qui se passe parfois quand on redonne, quand on rend les choses possibles, qu’on ne voit plus les couleurs et les barrières et qu’on fait les efforts qu’il faut. On construit des ponts ou des rampes, on allume des étincelles, on crée des souvenirs impérissables. Et pas seulement pour Noé, mais pour tous ceux qui voient les étoiles dans ses yeux.

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