Patrice Roy nous a offert dans le cadre de sa série « Entretiens » à Radio-Canada un moment de grâce alors qu’il recevait Alain Stanké⁠1, un homme apprécié de tous qui nous a fait le bonheur de choisir, en 1951, le Québec comme terre d’accueil.

Cet homme a connu les pires affres de la guerre, lui qui consacre sa vie depuis des décennies à rendre cet hommage louable et différent à nos vétérans. Ces hommes, ces femmes qui ont consacré les plus belles années de leur vie à défendre notre pays et qui ont veillé sans relâche à notre liberté, bravant le froid glacial et la chaleur suffocante, les tranchées boueuses, la crainte de ne jamais revenir… pour la paix et la démocratie.

Patrice Roy recevait en direct Alain Stanké après la diffusion de son entretien : c’était bouleversant de l’entendre nous avouer que cette guerre en Ukraine lui cause des cauchemars, faisant remonter à la surface des moments qu’il ne pensait pas revivre.

Alain Stanké a porté toute sa vie dans sa mémoire des souvenirs de guerre lourds, accablants et perturbants, source d’émotion vive. À la question de Patrice Roy l’interrogeant sur le pardon, il avoue que c’est la rencontre avec Stanislas Déry qui lui a permis de se réconcilier avec les Allemands, grâce à son geste de générosité et de compassion. Stanislas Déry, mon père, a sauvé d’une mort certaine 54 sous-mariniers allemands après le coulage d’un U-877 en décembre 1944 dans l’Atlantique. Et le lieutenant-commandant du sous-marin, Peter Heisig, est devenu son meilleur ami...

Je partage ici un moment de grâce vécu avec Alain Stanké un certain dimanche après-midi… Lors de la préparation de son documentaire Ne tirez pas, racontant cette improbable histoire d’amitié entre deux ennemis devenus amis pour la vie, un évènement fortuit s’est produit. J’accompagnais Alain, qui rencontrait Peter Heisig pour la première fois, à son domicile d’une banlieue de Munich, pour l’interviewer. Quand Alain est sorti du salon alors qu’il terminait cet entretien, il était littéralement bouleversé… Je me souviens de l’expression de son visage en larmes. Je me demandais alors si c’étaient des larmes de tristesse, de joie, ou autres… Je lui ai alors demandé : « Ça va, Alain ? »

Et à ce moment précis, il me demanda de le serrer dans ses bras pour lui procurer du réconfort, une présence bienfaitrice, un contact apaisant, et il m’avouait avec candeur : « Gaston, je ne pensais jamais pouvoir pardonner, je viens d’exorciser 60 ans de ma vie. Merci de m’avoir fait rencontrer l’ami de ton père, Peter… »

Et je compris dès ce moment que ces larmes exprimaient la libération d’un mal qui le hantait depuis toutes ces années. Ce moment vécu avec Alain fut pour moi un privilège, un cadeau de la vie, celui de vivre le pardon.

Du haut de ses 87 ans, Alain a conservé son cœur d’enfant qui s’émerveille encore et qui illustre que la bonté humaine doit cheminer au-delà de la haine, car pour Alain, l’acceptation est humaine, mais le pardon est divin. Une belle leçon de vie.

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