Comment nos gouvernements démocratiques peuvent-ils rationaliser leur décision de ne pas intervenir militairement en Ukraine, considérant l’irrationalité de leur position ?

Les forces russes enfreignent quotidiennement les règles du droit de la guerre, tant le Jus ad bellum (les causes qui légitiment la guerre) que le Jus in bello (celles qui gouvernent la conduite de la guerre).

On compte à ce jour plus de 2 millions de réfugiés ukrainiens et on estime qu’au rythme de leur arrivée, il y aura 1 million de réfugiés tous les cinq jours que durera le conflit. En évitant une confrontation directe avec la Russie, les conséquences de la crise humaine déstabiliseront l’Union européenne (UE) avec, entre autres, cet afflux de réfugiés. Est-ce une solution rationnelle que de permettre à Poutine le droit d’annihiler les habitants de l’Ukraine et de laisser à l’Occident, seul, la prise en charge des conséquences de ses actions illégales et unilatérales ?

L’Europe connaît déjà des difficultés avec la crise des migrants de l’Afrique et du Moyen-Orient, qu’en sera-t-il avec 5 millions de réfugiés qui ne voudront plus retourner dans un territoire russe dont les infrastructures auront été détruites et les habitants seront devenus moribonds ?

PHOTO MICHAEL SOHN, ASSOCIATED PRESS

Des réfugiés ukrainiens font la file, mardi, pour obtenir de la nourriture après leur arrivée en Allemagne, dans la principale gare de Berlin.

L’Occident fait face à un paradoxe. Sans son aide, l’Ukraine tombera rapidement sous le joug de Poutine ; mais plus on l’aide, plus on contribue à sa destruction et plus on alimente une crise humanitaire qui sera bientôt hors de contrôle. Rappelons aussi qu’en refusant d’intervenir militairement en sol ukrainien, l’Occident permet de nouveau à la Russie de décider unilatéralement, par la force, de l’avenir des pays souverains qui lui sont limitrophes. Une fois l’Ukraine sous contrôle russe, quel sera le prochain objectif de Poutine ? Relier l’enclave de Kaliningrad ? L’Occident ne fait-il que reporter l’inévitable ? Plus on attend, plus les coûts seront élevés.

Poutine légitime la guerre en Ukraine en proclamant le récit fictif que les Ukrainiens commettent un génocide à l’encontre de la minorité russe. Plutôt, n’assistons-nous pas, médusés, à celui du peuple ukrainien, considérant l’intensité des bombardements dirigés vers la population civile et les corridors humanitaires ?

Faudra-t-il de nouveau regretter notre inaction, comme ce fut le cas lors du génocide au Rwanda ?

En cas de génocide, les États ne doivent-ils pas intervenir pour y mettre fin ? À quoi servent nos conventions si des tyrans peuvent les contourner à leur gré, tout en continuant de commettre des atrocités ?

Rappelons aussi que l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) est intervenue militairement à la fin des années 1990, sans le consentement de l’Organisation des Nations unies (ONU), afin de protéger les Kosovars contre l’offensive abusive des forces serbes. En quoi les Ukrainiens sont-ils si différents des Kosovars ?

La société internationale cherche-t-elle de nouveau à se donner bonne conscience en répertoriant les crimes de guerre pour, suivant la fin des hostilités, permettre au Tribunal pénal international de juger les criminels qu’il réussira à capturer ? Mais cette société internationale n’a-t-elle pas une obligation d’agir immédiatement lorsqu’elle est témoin que de tels crimes sont commis ?

Comme excuse pour ne pas intervenir, le Conseil de sécurité de l’ONU a reconnu le véto russe contre la condamnation de la guerre illégale et illégitime que Moscou conduit en Ukraine. Comment pouvons-nous accepter qu’un des membres permanents, à l’origine d’une guerre, puisse empêcher toute condamnation de ses actions, tout en se donnant le droit d’aller à l’encontre des fondements de la Charte des Nations unies ? Le tout ressemble étrangement aux dernières années de la Société des Nations des années 1930.

Laisser Poutine faire cette guerre illégale pour satisfaire ses besoins sans l’en empêcher, c’est se rendre complice et reconnaître que, dorénavant, chaque grande puissance nucléaire pourra se soustraire, comme bon lui semble, aux conventions internationales, sonnant ainsi le glas de l’ONU.

Rappelons-nous d’ailleurs le préambule de la Charte des Nations unies :

Nous, peuples des Nations Unies, résolus

  • à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances ;
  • à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites ;
  • à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international ;
  • à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.
Consultez la Charte des Nations unies

Considérant l’enlisement des forces russes et l’intensification de leur capacité destructive suivant la résistance courageuse des Ukrainiens que nous alimentons, n’est-il pas temps de mettre fin à cette barbarie en imposant notre propre ultimatum non négociable à Poutine ?

Il est temps pour l’Occident de menacer la Russie de l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne sur l’Ukraine si elle n’accepte pas un cessez-le-feu général inconditionnel, pour forcer un retour à des négociations équitables entre les parties, avec la contribution de l’ONU comme médiateur.

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