Les auteurs s’adressent au ministre responsable de l’Accès à l’information et de la Protection des renseignements personnels, Éric Caire

Lorsque, dans une municipalité, la même personne est responsable des demandes d’accès à l’information et qu’elle occupe les postes de directeur général, secrétaire pour les aspects légaux, trésorier pour la gestion financière, directeur de la voirie, responsable des communications et directeur des élections, cela laisse peu de place pour la transparence.

Nous habitons un petit village en Estrie et nous avons la chance de voir brouter de nombreuses vaches Highland sur nos coteaux. Celles-ci sont facilement reconnaissables à leur longue frange de poils devant les yeux. Tout comme elles, nous avons parfois l’impression d’avoir la vue partiellement cachée en ce qui concerne nos demandes d’accès à l’information.

En 2021, l’administration de l’époque a déposé au moins une offre pour l’achat d’un terrain de 12,9 acres avant même d’avoir obtenu une résolution du Conseil. Cette résolution n’est jamais venue, ayant été retirée de l’ordre du jour à la suite d’un branle-bas de combat des citoyens lors de deux séances du Conseil en septembre 2021. Ayant déposé une réserve pour fins publiques sur le terrain lors d’une courte séance extraordinaire en novembre 2020, cette administration a jugé qu’elle en avait fait assez pour légitimer son offre d’achat. Au fil du temps, nous avons entendu parler de la construction d’un nouvel hôtel de ville (pour trois employés de bureau), d’un abri en cas de sinistre, d’un centre communautaire, d’un marché public, d’un parc pour enfants, d’un sentier pédestre, etc. En 2021, nous avions un budget de 1,9 million de dollars. À noter que les municipalités avoisinantes offrent déjà ces services et que le terrain en question est composé à 57 % d’eau ! À ce jour, on refuse d’expliquer l’intérêt d’acheter un terrain en grande partie submergé.

Chacun de nous a rédigé une demande d’accès à l’information à environ 10 semaines d’intervalle pour obtenir cette offre d’achat. Nous avons essuyé des refus. C’est pourtant un sujet d’intérêt public.

Le motif invoqué fut que les offres d’achat étaient des « ébauches », ce qui les soustrayait à une demande d’accès à l’information. Comment une offre d’achat rédigée, signée, datée et déposée auprès d’une compagnie peut-elle être une ébauche ?

Nous avons tenté notre chance auprès de la Commission des demandes d’accès à l’information pour une révision de la décision et nous attendons une réponse qui pourrait peut-être venir en 2023.

De plus, il nous a fallu six mois pour obtenir un rapport commandé à une firme de consultants en 2020 sur le développement commercial sur une route adjacente à ce terrain, ce qui pourrait changer notre tranquillité rurale et le panorama de nos paysages. Une des raisons invoquées pour garder ce rapport secret fut que le rapport appartient à la municipalité ! Or les résidants sont la municipalité, c’est nous qui l’occupons et c’est nous qui la faisons vivre.

Nous pensons que la responsabilité de répondre aux demandes d’accès à l’information ne devrait pas relever de la même personne qui a eu une part active dans ces mêmes décisions et actions.

La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics doit être modifiée afin qu’une citoyenne ne reçoive pas un courriel de la personne responsable des demandes d’accès à l’information pour lui demander de la rencontrer, et ceci, avant de lui envoyer un accusé de réception. Tout comme un citoyen ne devrait pas recevoir un courriel d’une élue à la suite d’une demande d’accès à l’information très précise pour lui demander ce qu’il cherche. On ne devrait pas non plus demander à une citoyenne qui a donné plus de 19 400 $ en taxe de bienvenue et taxes foncières en 2020 et 2021 qu’elle paie pour l’impression papier d’une cinquantaine de pages afin d’obtenir des rapports de dépenses de la municipalité. Elle n’avait jamais demandé une version papier. Les citoyens demandeurs de documents publics devraient être libres de toute interférence, voire pression, administrative ou politique. Notre droit de savoir n’est pas un privilège.

« Celui qui sait peut régner. » Cette phrase est extraite du livre de Marie-Ève Martel Privé de sens : plaidoyer pour un meilleur accès à l’information, qui devrait être lu par toute personne responsable des demandes d’accès à l’information.

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