Le 2 décembre 2021, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la trêve olympique pour Pékin 2022. Pour assurer la promotion de la paix et de la solidarité à travers le sport, cette trêve aurait dû s’étendre de sept jours avant l’ouverture des Jeux jusqu’à sept jours après la fin des Jeux paralympiques. Parallèlement, la Chine, irritée par le boycottage diplomatique décrété par les États-Unis et plusieurs de leurs alliés, dont le Canada, affirmait fermement que les Jeux olympiques d’hiver qu’elle organisait allaient jouer un rôle de rapprochement entre les peuples.

Dès l’ouverture des Jeux, Vladimir Poutine fut reçu avec les honneurs. En faisant du leader russe le premier chef d’État avec lequel il avait un contact direct depuis le début de la pandémie, Xi Jinping soulignait de manière ostentatoire les relations privilégiées entre Pékin et Moscou. Et ceci alors que les rumeurs de guerre se faisaient de plus en plus précises entre la Russie et l’Ukraine et que cette trêve semblait alors si fragile. La relation sino-russe n’est pourtant pas simple, et elle pourrait mener Pékin à jouer à l’équilibriste, d’une part sur le plan stratégique – entre un allié imprévisible et le risque de renforcer le jeu d’alliance des États-Unis –, et d’autre part sur le plan économique en raison des conséquences que la crise ukrainienne va avoir sur le projet des nouvelles routes de la soie en Europe orientale.

Un exercice de funambulisme économique

L’alliance sino-russe est en grande partie circonstancielle, largement basée sur une méfiance, voire une hostilité commune vis-à-vis des États-Unis. Le déclenchement de l’attaque russe dans l’est de l’Ukraine contraint maintenant Xi Jinping à jouer une partie d’échecs complexe et à l’issue incertaine. À de nombreuses reprises, le leader chinois a exprimé clairement sa volonté d’une solution négociée. En effet, Pékin se dit réticent à l’usage de la force, et l’Ukraine est, de surcroît, l’un des pivots de sa stratégie des nouvelles routes de la soie en Europe : le pays est la porte d’entrée sud-est et un important partenaire commercial de la Chine, avec lequel elle comptait pour plus de 15 milliards de dollars d’échanges commerciaux en 2020.

Un exercice stratégique de haute voltige

De plus, bien que clairement opposée à ce qu’elle considère comme une extension de l’OTAN sur les marches de la Russie, la Chine est très consciente du fait qu’elle risque de contribuer, en appuyant Moscou, au retour d’une scission majeure de l’ordre mondial que Xi Jinping a toujours dit vouloir éviter.

L’attaque en Ukraine pourrait resserrer les rangs entre les États-Unis et leurs alliés européens face à un axe Moscou-Pékin, et signifier un retour à une dynamique de guerre froide.

En plus de fragiliser les progrès diplomatiques chinois en Europe, l’attaque russe en Ukraine pourrait rendre les voisins de la Chine frileux avec en toile de fond Taiwan, la frontière Inde-Chine et la mer de Chine méridionale. Car Xi Jinping pourrait alors être tenté d’imiter Poutine dans les dossiers controversés de la sphère indopacifique, ce que l’Australie, l’Inde ou le Japon n’apprécieront probablement pas. Cela pourrait les rapprocher encore davantage des États-Unis afin de contrebalancer autant que possible la suprématie chinoise dans cette partie du monde.

Pékin n’a sans doute pas le loisir, même s’il la désapprouve peut-être, de condamner l’attitude agressive de Vladimir Poutine. La Chine a besoin d’une Russie qui continue à l’appuyer dans ses revendications territoriales. Xi Jinping est conscient que ses relations avec l’Europe pâtiront probablement de l’image que projettera la position de son pays dans le conflit. Dans sa recherche d’alliés face à Washington et à l’Europe, il ne peut se permettre de se retrouver isolé aux côtés de Moscou, et ce malgré ses déclarations sur le déclin des États-Unis.

C’est pourtant ce qui risque d’arriver. Pékin aurait voulu faire miroiter la solution diplomatique dans le cas ukrainien tout en accusant les États-Unis de jouer un rôle déstabilisateur et de dramatiser le risque d’une attaque russe, mais l’offensive en Ukraine pourrait entraîner une recomposition des alliances à l’échelle mondiale. Ce sera difficile pour la Chine de ne pas prendre parti tout en évitant de renier une alliance avec la Russie. Cela pourrait finir par lui coûter cher sur le plan diplomatique… et économique.

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