L’auteure s’adresse au ministre des Finances, Eric Girard

M. Eric Girard, on apprenait récemment dans ce journal que « les finances publiques sont dans le vert » ⁠1 pour l’année en cours, soit pour 2021-2022. C’est tant mieux, car les nôtres, Monsieur le Ministre, sont carrément dans le rouge.

Il n’y a pas que l’inflation, Monsieur le Ministre des Finances, qui va nous égorger cette année, mais aussi la hausse abusive du coût des loyers, directement liée à la crise du logement qui perdure depuis des années (et que votre chef, M. Legault, refuse de reconnaître), alors que nous survivons déjà sous le seuil de la pauvreté. Imaginez.

Plus d’un million de personnes, M. Girard, vivent en situation de pauvreté au Québec. Plus d’un million de personnes ! C’est énorme. Et nous vivons pourtant dans un pays riche, démocratique et développé. Quelqu’un peut-il m’expliquer ça ?

Même en travaillant, Monsieur le Ministre, plusieurs d’entre nous n’arrivons pas à joindre les deux bouts et à manger à notre faim.

En novembre 2021, vous aviez annoncé l’arrivée d’une « prestation exceptionnelle » pour les personnes à faibles revenus. On l’a belle et bien reçue. En janvier dernier, en effet, les personnes admissibles à la prestation unique et nonimposable (fiou !) ont reçu une aide financière, soit un montant de 400 $ pour les couples, ou 275 $ pour les personnes vivant seules. C’est très bien. Qui, par les temps qui courent, a les moyens de cracher sur une aide financière, même minime ou très modeste ?

Insuffisant

Or, vous comprendrez, M. Girard, que même si elles sont les bienvenues, ces sommes sont nettement insuffisantes pour faire face à l’inflation, peinant à couvrir les frais de nourriture pour un mois seulement. D’ailleurs, plusieurs personnes dans mon quartier doivent subvenir à leurs besoins avec un misérable 3 $ par repas… Pas facile, comme budget. Essayez, vous, d’équilibrer ça.

Qui plus est, selon les données d’un journaliste aguerri en économie, près de la moitié des Québécois (46 %) ne font pas 30 000 $ par année et 70 % des Québécois touchent moins de 50 000 $ par année.

Pourtant, malgré cette réalité bien ancrée dans les chiffres, notre premier ministre du Québec, François Legault, lui-même comptable agréé et homme d’affaires expérimenté, persiste à dire qu’il veut créer des emplois en haut du salaire annuel moyen (56 000 $). Est-ce que cela vous semble juste, équitable et réaliste pour l’ensemble des Québécois, M. Girard ? Ne faudrait-il pas d’abord enrayer la pauvreté, avant d’enrichir ce que le premier ministre appelle la « classe très moyenne » ?

Plus important encore que l’arrivée d’une autre prestation spéciale pour les personnes à faibles revenus, M. Girard, que compte faire votre gouvernement pour sortir les Québécois de la précarité et de la pauvreté, et tirer une fois pour toutes les moins nantis de ce pays vers le haut ?

Car les élections s’en viennent, Monsieur le Ministre – le 3 octobre prochain, c’est dans moins de huit mois –, et ce serait vraiment bien de mettre fin à la faim. Et ce n’est clairement pas à coups de petites prestations exceptionnelles que nous enrayerons le problème de la pauvreté au Québec.

D’autant plus que le premier ministre François Legault lui-même semble, comme bon nombre de Québécois, sous-estimer le fléau de la pauvreté au Québec ⁠2. Ou bien il est simplement comme d’autres premiers ministres qui sont passés avant lui, complètement déconnectés de la réalité sur le terrain des pauvres, et sortira, lui aussi, très bien bientôt ses recettes de « rôti de porc ».

1. Lisez l’article « Un budget contre l’inflation le 22 mars » 2. Lisez l’article « Les Québécois sous-estiment la pauvreté, révèle un sondage » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion