Face à la tension croissante qui a cours en Europe avec les actions russes contre l’Ukraine, l’Allemagne a annoncé, sans surprise, une première « sanction » contre la Russie, soit la suspension de l’autorisation pour la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 pouvant acheminer du gaz russe vers l’Allemagne et le reste de l’Europe.

L’attitude belliqueuse de la Russie, principal fournisseur de gaz en Europe, fort au fait des sanctions qu’elle subira advenant d’autres avancées territoriales en Ukraine, n’est rien de moins qu’une manœuvre frontale à l’encontre de la sécurité énergétique de l’Europe.

Dans le milieu de l’énergie, il est bien connu que la première qualité d’un fournisseur est sa fiabilité. On le sait, le monde moderne repose sur une circulation fiable et continue en énergie : toute rupture de ce flot est grandement perturbatrice, dans tous les secteurs, sans exception.

Et ce, en pleine saison hivernale, avec des prix du gaz à la hausse mettant déjà en difficulté des millions de ménages devant se chauffer à grands frais, et des industries contraintes à ralentir leur production.

Depuis toujours, les Américains ont dénoncé cette dépendance énergétique européenne envers la Russie.

L’Allemagne, principal client du gaz russe, et principal soutien du projet Nord Stream 2, a toujours été prompte à soutenir que la Russie allait honorer ses engagements sans faire dans la géopolitique. Elle paraît maintenant bien mal dans cette histoire.

Pourtant, les conséquences de la situation du côté de la Russie sont majeures pour elle à court et à moyen terme.

En 2021, les recettes budgétaires de la Russie reposent pour plus de 35 % sur ses ventes de pétrole et de gaz. Ce pays a retrouvé depuis 20 ans sa place sur l’échiquier énergétique mondial. Il est devenu un acteur important pour l’approvisionnement mondial en pétrole aux côtés de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), de même qu’un fournisseur stratégique de gaz, en Europe, mais aussi auprès de son voisin chinois.

Or, le message envoyé en ce moment par Moscou à ses partenaires actuels et futurs est qu’advenant des disputes, il n’hésitera pas à placer ses intérêts politiques au-delà de leur sécurité en énergie. C’est le pire message à envoyer à des pays qui placent leur confiance envers un fournisseur pour une mission aussi critique.

En 1986, à la suite d’une chute conséquente des cours du pétrole, l’Union soviétique a subi une baisse radicale de ses revenus. C’était pour elle inattendu, et bien mal venu. Ses revenus s’effondrent : elle a du mal à importer des denrées alimentaires pour nourrir sa population.

En 1991, deux ans après la chute du mur de Berlin, le régime soviétique, dont l’économie craque de partout, s’effondre…

Trente ans plus tard, une invasion de l’Ukraine placerait la Russie sous un opprobre international mettant de nouveau bien à mal sa capacité financière.

On comprend difficilement pourquoi Poutine veut faire rejouer son pays dans ce mauvais film…

Au surplus, en collant à la Russie une réputation exécrable comme fournisseur d’énergie, les actions de Poutine ouvrent davantage le lucratif marché du gaz européen à son ennemi, les États-Unis.

En 2021, les Américains ont fourni 26 % du gaz naturel liquéfié (GNL) à l’Europe et, en janvier de cette année, plus de 50 % du GNL importé par l’Europe est venu des États-Unis.

Pour le secteur gazier chez notre voisin du Sud, la situation actuelle est une occasion inédite : celle de devenir, pour le continent européen, le nouveau fournisseur fiable sur qui, en définitive, on peut compter.

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