Mon métier de serveuse en restauration non seulement a fait de moi qui je suis, mais également m’a permis d’être une citoyenne exemplaire. Un mariage, une maison, une famille, l’implication sociale et tout ce qui s’ensuit. J’ai réussi à traverser tout ça en évitant les difficultés reconnues à mon métier : alcoolisme, divorce, problèmes de nutrition et horaires plus qu’atypiques. J’ai également suivi de bonne foi les multiples règles imposées pendant la pandémie.

Lors de la réouverture des restaurants fin mai 2021, on sentait l’énergie et l’espoir de toute ma société. Et tous ceux qui venaient manger à ma table me rappelaient à quel point mon métier de serveuse est magnifique, qu’il est essentiel dans mon monde, dans ma société en tant que lieu de rencontre.

Par contre, avec cette réouverture, on sent qu’on a beaucoup perdu : les gens ont moins d’énergie, ont perdu leurs habitudes, craignent la proximité. On reçoit désormais dans les restaurants des gens qui semblent distants et fatigués. Je sens qu’ils n’ont plus d’énergie à donner, ni compliments ni bons mots.

En temps normal, il existe une générosité mutuelle entre une serveuse et les gens à la table, qui est à la base de l’expérience gastronomique. Mon métier est de prendre cette générosité et de la multiplier par mille afin de mettre de l’ambiance dans toute la salle. Aujourd’hui, en l’absence de cette générosité, comment puis-je la retransmettre ?

La beauté du monde s’est effacée quelque peu pendant ces deux dernières années. Il y a tout un monde à rebâtir, des liens à renouer d’urgence. Grâce à mon métier, je sens que c’est à mon tour d’être en première ligne pour réenchanter notre monde.

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