Ces derniers jours, les discussions portant sur, d’un côté, les 10 ans du mouvement étudiant de 2012 et le retour en politique de Jean Charest et, de l’autre, l’inefficacité de la politique environnementale de la CAQ portée par ses propres prévisions m’ont fait réfléchir à la bonne vieille logique de la « juste part », fer de lance rhétorique soutenant la hausse des droits de scolarité du gouvernement Charest en 2012. Étant de cette génération marquée à chaud (ou au gaz lacrymogène) par cette rhétorique, le ton de délaissement et le manque d’ambition du gouvernement Legault face à la crise environnementale – qui n’invite personne à faire une quelconque juste part – me laisse pantois.

En 2012, il était question que les étudiants et la classe moyenne paient plus, donc soient responsabilisés, pour maintenir notre système d’éducation public. Toutefois, c’était sans prendre en compte la croissance des inégalités sociales, dynamique sous-jacente à la crise remise en cause par David Robichaud et Patrick Turmel. Dans leur essai sur cette « juste part » publié en 2012, les auteurs démontent coup sur coup les assises de cette rhétorique néolibérale en proposant que la « juste part » de certains étaient plus grande que celle portée par d’autres vu la croissance des inégalités sociales – et c’est sans citer le larcin collectif mis en lumière par la commission Charbonneau.

Donc, des dynamiques sociales sous-jacentes mettaient à mal la validité de la rhétorique libérale qui, en son sens simple, profitait à une responsabilisation des acteurs pour l’atteinte d’objectifs sociaux (par exemple, maintenir une politique telle que l’éducation publique). Pourquoi ce détour par 2012 ? J’y viens.

Apporter sa contribution dans l’irresponsabilité environnementale

Déjà peu convaincante, la politique environnementale du gouvernement Legault a été mise à mal ces derniers jours. Un expert consulté par La Presse la semaine dernière mettait en exergue que le secteur du transport – qui figure au cœur de cette politique – peinerait à « faire sa part » dans la réduction des émissions de carbone pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030. Et pour cause : les projections internes du gouvernement quant à sa propre politique qui passe, entre autres, par l’électrification du transport léger, démontrent son inefficacité et, surtout, son incapacité à responsabiliser autant les autorités gouvernementales que l’industrie et les citoyens.

Symptôme du néolibéralisme tardif qui visait le retrait de l’État de la facture publique (par exemple en 2012) et de la renaissance du populisme politique à tendance libertarienne porté par de la fausse information polarisante, le retrait de l’État de la responsabilité sociale fait office, dans ce cas-ci, de ce qu’on qualifie de « greenwashing » ou blanchiment environnemental.

En gros, on se donne des objectifs sans se donner les moyens de les atteindre, simplement pour se donner belle figure, et se dire que l’on fait quelque chose.

Induire le public en erreur quant à des objectifs de responsabilité environnementale en communiquant des informations fausses, mensongères ou déconnectées de la réalité, c’est du greenwashing. En effet, il vient un point où les déclarations du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, deviennent des professions de foi plutôt que de réelles stratégies ou des objectifs d’impact systémiques.

Malgré le populisme de la CAQ, on en revient encore à des rengaines bien néolibérales : le gouvernement ne se responsabilise pas et ne se donne pas les moyens pour atteindre des objectifs de réduction carbone. Par le fait même, on évite aussi de responsabiliser la population et l’industrie en posant de larges politiques publiques contraignantes ou incitatives touchant aux causes profondes de la crise environnementale.

Malheureusement, ce n’est pas en électrifiant 13 % du transport léger et en produisant toujours plus de batteries que l’on se sortira de la crise environnementale.

Apporter sa contribution dans la responsabilité environnementale

Selon les dernières estimations, il faut réduire nos émissions globales de 7,6 % par année jusqu’en 2030 et pas seulement 13 % des émissions du secteur du transport léger québécois d’ici à 2030. La politique du gouvernement Legault est certes plus large que ce que j’en propose ici, mais voici où la « juste part » revient en scène.

Pour se sortir des crises devant nous, il faut que TOUS fassent leur « juste part ». Toutes les générations, tous les milieux sociaux, tous les ordres de gouvernement.

Nous ne pourrons bientôt plus nous permettre de payer les frais des externalités d’industries gourmandes en ressources planétaires et sans conscience socio-environnementale. Ni, par ailleurs, de la boutade de tous ces VUS convoités par une minorité de citadins urbains ou périurbains. Il faut que nous comprenions tous notre part de responsabilité, celle de nos modes de vie et les causes profondes des crises environnementales et sociales qui font les manchettes journalières. Il faut comprendre les logiques sous-jacentes aux enjeux liés à ces crises et comment nous sommes tous affectés et responsables afin d’agir et se responsabiliser de façon concertée et non oppositionnelle.

Bien que des leaders existent à cet effet dans la société civile ou dans différentes industries, force est de constater que les antichambres gouvernementales n’en sont malheureusement pas encore là. Dans l’état présent des choses, la « juste part » portée par certains – les populations racisées, le Sud global, ceux qui n’ont pas le moyen de consommer éthiquement ou de s’éduquer à l’écoresponsabilité, par exemple – sera plus grande que celle portée par d’autres.

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