Les réactions outrées au rapport de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) de quelques défenseurs inconditionnels du REM de l’Est ont de quoi étonner.

Comment peut-on insinuer que le rapport de l’ARTM est revanchard quand plusieurs des critiques formulées ont déjà été avancées par des experts en transport et des professionnels de l’aménagement, et ce, dans certains cas, dès le dévoilement du projet par CDPQ Infra ? Comment peut-on écarter d’un revers de main le problème insoluble, d’un point de vue urbanistique, du raccordement du tunnel et du tablier aérien au centre-ville de Montréal ?

Comment peut-on avaliser une mise en concurrence des réseaux qui ne peut se justifier que par le modèle d’affaires de CDPQ Infra et un financement sur la base de passagers-kilomètres ? Comment peut-on s’accommoder d’une desserte qui laisse en plan plusieurs secteurs de l’Est, notamment le quartier Rivière-des-Prairies ? Comment peut-on être surpris par la réaction des gens qui découvrent l’horreur des caténaires, que les présentations préliminaires prenaient évidemment bien soin de dissimuler ? Comment peut-on justifier les conséquences fâcheuses du projet du REM sur les finances de la Société de transport de Montréal et, par conséquent, sur les services offerts ?

Comment peut-on banaliser le fait qu’un investissement de 10 milliards n’engendre qu’un transfert modal extrêmement faible de l’auto au transport collectif ? Et comment peut-on imposer à la mairesse de Montréal de faire le boulot de l’ARTM – par ailleurs court-circuitée sciemment par le gouvernement −, au prétexte qu’elle a des réserves légitimes sur le projet ?

Ce qui serait étonnant, c’est qu’au vu de ces données, on persiste à voir dans ce projet la seule solution aux problèmes de transport collectif dans l’Est montréalais. Qu’elle soit la seule proposée − par un porteur de projet qui est juge et partie et n’a de comptes à rendre qu’à lui-même − ne garantit pas qu’elle soit la meilleure.

Qu’à cela ne tienne, certains persistent et signent. Et on n’hésite pas, au besoin, à tordre la réalité.

On prétend notamment que le projet est une commande de l’ARTM, ce qui est erroné. Le projet du REM de l’Est a été élaboré à l’insu de l’ARTM, qui l’aborde comme une option parmi d’autres dans son plan stratégique de 2021. Un plan stratégique déposé, au demeurant, après l’annonce du REM de l’Est par CDPQ Infra. L’équipe responsable du projet de prolongement de la ligne bleue n’a par ailleurs été informée du projet de CDPQ Infra que quelques jours avant l’annonce du lancement du REM de l’Est, en décembre 2020.

On affirme aussi que la gouvernance du projet est exemplaire, alors que la mairesse de Montréal soutient que les demandes de la Ville concernant une participation concrète aux travaux de CDPQ Infra ont été repoussées d’un revers de main et que, manifestement, comme il est rappelé plus haut, l’ARTM n’a jamais été véritablement mise dans le coup, si ce n’est pour rediriger à qui de droit les demandes de CDPQ Infra. Sans compter l’imposition d’ententes de confidentialité, outrageusement justifiée par le secret industriel, mais qui, en fait, inhibent tout débat public éclairé.

Mais on n’en reste pas là. On prétend que le rapport de l’ARTM est biaisé, entre autres parce qu’il ne tient pas compte des retombées du REM de l’Est, en particulier en termes de développement immobilier.

Sans insister sur le fait que de telles retombées ne sont jamais assurées, il importe de souligner que, jusqu’à nouvel ordre, le mode de transport privilégié n’a pas le monopole des effets structurants, tant s’en faut.

Mais on fait, par ailleurs, peu de cas des impacts négatifs du mode retenu − un train léger aérien – sur les milieux d’accueil. Comment justifier ce « deux poids, deux mesures » ?

On évoque également qu’il s’agit d’un des plus importants investissements en transport collectif de la planète. Comme si cela suffisait à garantir la pertinence et la qualité du projet et justifiait le refus d’un examen critique fondé sur une comparaison avec une alternative. Ça nous fera une belle jambe si les appréhensions qui se sont multipliées au cours des derniers mois se révèlent fondées et sont bien bétonnées. Quand on sait que de telles infrastructures sont inscrites dans le paysage pour plusieurs décennies − comme nous le rappelle l’autoroute Métropolitaine –, n’est-il pas plus raisonnable et prudent de ne pas confondre vitesse et précipitation et, surtout, de ne pas se laisser impressionner par de telles esbroufes, qui occultent généralement un manque d’arguments crédibles ? Il y a d’autres moyens plus socialement acceptables d’épater la galerie.

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