La protéine végétale prend de plus de place dans nos vies. Une simple visite à l’épicerie donne une bonne idée de ce qui se passe actuellement. Bien que les ventes de viandes traditionnelles se portent bien, celles des produits à base de protéines végétales ont augmenté deux fois plus que les ventes de toutes les autres catégories confondues en 2021. Le succès de la protéine végétale comme substitut de viande ou de produit laitier fait réagir les filières traditionnelles comme celles du bœuf, de la volaille, des œufs et du lait. Certaines d’entre elles se sentent même menacées, mais ce n’est que le début d’une tangente.

La première révolution fut marquée par l’expansion industrielle de notre économie ainsi que par notre volonté de produire davantage de protéines animales au Canada. Produire de la viande, des œufs et du lait de façon constante tout en gardant l’abordabilité au cœur de la stratégie était manifeste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans tous les pays industrialisés, dont le Canada. Nous avons une gestion de l’offre pour nous assurer de produire ce dont nous avons besoin. Cette période dure depuis des décennies.

Pendant ce temps, certains groupes comme les végétariens et véganes s’assumaient en marge de la société, sans faire trop de bruit. Peu à peu, la science aussi nous offrait une nouvelle vision sur nos choix alimentaires et sur la façon dont ils influent sur nos écosystèmes. Nos ambitions pour un monde plus égalitaire, tous azimuts, guident de nombreuses personnes à revoir leurs habitudes, leurs valeurs, et évidemment, leur relation avec la nourriture.

Ainsi, la deuxième révolution a commencé il y a environ une dizaine d’années avec l’arrivée en force des protéines végétales. Ce marché, marginalisé pendant des années, a tranquillement pris sa place en restauration et au détail, essentiellement propulsé par la compagnie Beyond Meat. L’entreprise californienne a démontré au monde entier que la commercialisation de masse de la protéine végétale était possible. Beyond Meat s’est toujours positionné comme une solution de rechange au bœuf et aux autres viandes bien connues et aimées par la plupart d’entre nous. Cette rhétorique polarisante en a offusqué beaucoup, exposant les fondateurs de l’entreprise à des critiques sévères.

C’est peut-être l’une des raisons pour laquelle l’entreprise éprouve des difficultés ces temps-ci, mais les protéines végétales continuent à avoir la cote avec l’appui de plusieurs nouveaux produits sur le marché. Ces protéines se trouvent au cœur de cette deuxième révolution. Les capitaux investis dans le secteur proviennent souvent de sources diamétralement opposées à l’agriculture. Le domaine agroalimentaire s’ouvre à d’autres façons de voir le monde et de considérer nos assiettes.

La troisième révolution, celle de l’agriculture cellulaire, est déjà bien amorcée. Cette révolution se retrouve ni plus ni moins à l’intersection de la médecine et de l’agriculture.

En 2021, selon GFI Analysis, près de 3,5 milliards de dollars ont été investis en projets liés aux protéines végétales. Parallèlement, l’an passé, le montant de capitaux pour financer des projets d’agriculture cellulaire, dont la fermentation de précision qui pourrait remplacer le lait un jour, dépassait le milliard de dollars pour la première fois. Le nombre de projets de recherche dans le domaine explose. Au Canada, on en compte déjà 13 pour l’instant, mais tout porte à croire que ce nombre augmentera.

Le Crédit suisse estime que 61 % du marché de la protéine dans le monde émanera de l’agriculture cellulaire d’ici 2050. AT Karney, une autre firme, estime que le seuil du 60 % sera atteint d’ici 2040, dans moins de deux décennies.

L’agriculture cellulaire qui élimine l’exploitation animale a le potentiel de changer la façon de nourrir les 9 milliards de personnes que nous aurons sur la planète d’ici 2050. Des aliments sur mesure, agrémentés d’une production mieux orchestrée, à l’abri des fléaux climatiques, offrant des prix plus stables arrivent à notre portée.

Une meilleure synchronisation de l’offre réduira certes le gaspillage et viendra en aide aux moins nantis. De plus, certains clament que nous manquerons de terres agricoles. Avec l’agriculture cellulaire, le problème contraire risque de nous pendre au bout du nez. L’occupation du territoire en ruralité deviendra l’enjeu primordial dans les prochaines décennies.

L’agriculture cellulaire existe déjà depuis quelques années. Mais la redéfinition du rôle de la protéine dans nos vies nous permet de rêver et d’entrevoir ce que la science peut nous offrir à long terme.

Une industrie laitière sans vaches, un secteur bovin sans abattoirs, imaginez… tout un tour de force !

La technologie existe, et ce n’est qu’une question de temps avant que nous n’arrivions à un marché différent. Certains vont croire que nous dénaturons l’agriculture avec cette troisième révolution. Toutefois, avec les défis démographiques et climatiques qui nous guettent, nous n’avons pas vraiment le choix.

De plus, l’esprit des consommateurs s’ouvre aussi. Selon certaines estimations, près de 40 % des Canadiens consentiraient à essayer un aliment fabriqué en totalité ou en partie en laboratoire. Il y a à peine cinq ans, les estimations tournaient autour de 10 %. Alors la troisième révolution des protéines est bien entamée et les consommateurs canadiens semblent le savoir très bien.

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